Après avoir ressourcé mes batteries pendant quatre jours dans Lima la grise (entre l’énergie familiale d’Émilie, Jimmy et Lola, et les heures de marche/bières à refaire le monde avec Benoit, un pote parisien), j’ai pris un bus de nuit pour Huaraz, plus au nord.
Arrivée à 6h du matin dans la capitale péruvienne du trekking, j’ai à peine eu le temps de faire mon checking à l’auberge, avaler une banane et me débarbouiller le visage, que j’étais déjà partie en randonnée.
On m’avait parlé de Huaraz, lorsque j’hésitais sur le fait de coupler Nord et Sud du Pérou, insistant sur le fait que je ne pouvais pas passer à côté. J’ai pourtant longuement hésité. J’aurai en fait pût y rester plus de six jours. Huaraz c’est le Chamonix du Pérou, en plein milieu du Parque Nacional Huascaran. On voit les pics enneigées de la Cordillera Blanca, l’une des chaînes de montagnes les plus impressionnantes au monde, depuis le centre-ville. On peut y gravir des sommets, des 6 000m, de l’andinismo – alpinisme local, des treks sur plusieurs jours comme le Huayhuash ou le Santa Cruz, et de centaines de randos sur une journée. Il y a même une maison des guides, créée par des Suisses. On y est comme à la maison en fait.
Je voulais faire le Santa Cruz, en trois jours. Cependant, la pluie quotidienne de ce début de printemps, et le manque d’envie de l’entreprendre seule, m’ont poussé à faire seulement des treks d’une journée:
- Laguna Churup
- Laguna 69
- Laguna Wilcacocha
- Glacier Pastoruri
- Laguna Ahuac
Laguna Churup
Il parait qu’il faut prendre quelques jours pour s’acclimater lorsqu’on arrive à Huaraz, avant de s’attaquer aux hauteurs. Il parait. Mais on va dire qu’après trois semaines sur les altiplanos mon taux de globules rouges est au top et mon aptitude à l’altitude aussi, alors go pour une randonnée au saut du bus.
7 h du matin. Il est trop tard pour rejoindre une excursion. Je file prendre le bus, dans une des rues parallèles à mon auberge, jusqu’à Pitek. Ce sera 20 soles aller-retour, dans un collectivo rempli de trekkeurs étrangers. Le chauffeur promet de nous attendre, et nous assure qu’on ne sera pas en rade dans quatre heures. Une fois à Pitek il n’y a rien autour de nous, à part une toilette – fermée. Il faut encore payer l’entrée du Parc national Huascaran (30 soles par jour, 60 pour trois jours, voire cinq pour moi), et c’est parti pour 2h de montée jusqu’à la lagune. La balade est facile, si ce n’est quelques passages avec cordes par moments. Nichée au milieu des montagnes avec le Churup Nevado – la montagne enneigée du même nom – au fond, le petit lac aux eaux transparentes est magnifique. Je continue une petite demi-heure de plus pour rejoindre la Churupita, petite laguna au-dessus, pour une vue encore plus impressionnante. Sandwich avocat-thon sur mon rocher, et je redescends en même temps que la pluie pour choper mon collectivo. Sans hésiter, c’est pour moi la plus belle laguna, après la 69.
Laguna 69
La Laguna 69 est le joyaux de la région. Eaux turquoises dans un écrin de pierres et de glaciers. Certains voyageurs ne s’arrêtent qu’une journée, juste pour elle. Pourtant, elle se mérite.
Pour y accéder, il faut se lever avant 5h du matin, et rejoindre une excursion, ou y aller par soi-même en collectivo+taxi, en s’armant de patience. Le mini-bus met trois heures pour arriver jusqu’en haut. Tout le monde fini sa nuit, alors que le spectacle est dans les premières lumières du jour sur les campagnes verdoyantes – enfin, et les montagnes. Les sommets sont enneigés. J’ai enfin quitté la sécheresse des altiplanos, j’ai retrouvé mes Alpes françaises et néo-zélandaises. Le Mont-Blanc fait pâle figure face au Huascaran Sud, la montagne la plus haute du Pérou – 6768m, mais qu’importe. La Cordillera Blanca est la plus haute chaîne de montagnes tropicales de la planète, et a la plupart des montagnes les plus hautes d’Amérique du Sud.
On a entre deux et trois heures de marche, et un petit dénivelé de 900m devant nous pour atteindre les 4600m d’altitude. J’engage la conversation avec un Français jusqu’au sommet, et je ne vois pas les 2h passer. Le spectacle à l’arrivée est impressionnant. On a la chance d’avoir le Chacraraju (ou est-ce le Pisco?) dégagé en face de nous, la teinte des bleus du lac ne cesse de changer en fonction de la course des nuages. On grimpe un peu plus, pour tenter la vue depuis le mirador, avant de redescendre, chassés par le vent froid.
Puis, sur le chemin du retour, on ne cesse de s’arrêter pour prendre en photos les petits lacs, les sommets, les cascades, les ânes. Le soleil ne nous abandonne pas, on trempera même les pieds dans le torrent de montagne avant de remonter dans le bus.
Les rencontres de ce jour, entre Belges et Français, se poursuivrons tard dans la nuit, dans un karaoké et une boîte de nuit locale. Chamonix, on avait dit.
Laguna Wilcacocha
Le troisième jour a été plus dur. Le réveil aux aurores de la veille (et la soirée) avaient tout de même laissé des traces. On a avalé notre petit dèj avec François et Théo, et on a cherché une balade facile à faire. La Laguna Wilcacocha, celle qu’on conseille lors de la première journée d’acclimatation, nous semblait la plus accessible. Il suffit d’aller choper le collectivo 10, à côté du marché central, se faire déposer en bord de route, et grimper avant la pluie et l’orage, pour se faire le pique-nique au soleil. Nos aires de déjeuners sont toutes plus sympas les unes que les autres, trois chips, deux tomates, un pain et une banane, en face de lacs et de montagnes.
Le soir on compense par des bières à l’auberge, puis un restaurant du coin, où on craque pour une pizza au fromage fondant. Par hasard, on tombe même sur un bar avec feu de cheminée, juste à côté de la rue des boîtes de nuit. Je commence vraiment à apprécier cette ville!
Glacier Pastoruri
Ultime excursion, direction le Glacier Pastoruri. Plusieurs heures de bus, une fois encore, avec quelques arrêts pour voir des marécages, et des puya raimondi, des palmiers qui ne fleurissent qu’une fois dans leur vie, vers 40 ans.
Le bus nous dépose sur un parking, il nous reste à peine deux kilomètres pour arriver au glacier. Du glacier, situé à 5038m d’altitude, il ne reste quelques centaines de mètres, et un lac, encore. Apparemment, d’ici quatre ans il n’y aura plus rien. Il fond en effet à vue d’œil. J’ai l’impression que le réchauffement climatique est pire ici que dans les Alpes. Je crois que c’est juste une impression, vu l’état du lac d’Annecy en ce moment…
Laguna Ahuac
C’est mon avant-dernier jour, ma dernière randonnée. J’ai moins envie de me lever aux aurores, moins envie de mettre un réveil. La veille on était treize Français à table, d’Annecy, Angers, Marseille, Aix-en-Provence. J’ai l’impression d’avoir trouvé une petite famille.
Je pars prendre un des derniers collectivos pour Willcahain vers 10h, pour trois soles aller-retour. Il n’y a aucun touriste dans le bus, je suis entourée de femmes péruviennes parlant Quechua, aux robes de couleurs vives et aux belles tresses brunes. Je descends en bord de chemin, après quarante-cinq minutes de route et quelques sourires pour pouvoir communiquer. C’est à la maison des guides qu’on m’a dit de venir ici, pour éviter les 4h de bus jusqu’à Paron, lagune apparemment magnifique aussi. Deux heures de montée, normalement faciles. Tu parles.
Dénivelé de 1200m, crachin qui commence à tomber. J’aperçois un troupeau de mouton. Mes habitudes de haute-savoyarde me font hésiter à continuer. J’ai vu pile, des chiens de bergers me foncent dessus en aboyant et montrant les crocs. Je recule, en leur faisant face, et en accélérant, apeurée. Ils ne me lâchent pas, jusqu’à ce qu’une centaine de mètres plus bas on me siffle. Le berger est au-dessus, il a calmé ses patous. Il me fait signe de monter à nouveau. Hésitante, je tente quand même. Il m’arrête pour discuter. Petit homme, sans dents du haut, les yeux rouges défoncés par la coca. Je lui donne un pain de mon pique-nique, avant de m’assurer qu’au retour il tiendra également ses chiens. Pas rassurée je continue, jusqu’à voir enfin la lagune embrumée, manger un morceau rapidement et redescendre. Je ne croiserai qu’un autre randonneur de toute la journée, et les péruviens avec qui je discute dans le collectivo du retour me demanderont si je n’ai pas eu peur – car il parait qu’il y a des voleurs sur ce trek également. L’aventure? Je n’ai en tout cas pas donné ma montre au berger quand il me l’a demandée en redescendant.
Huaraz c’est fini. Le dernier jour on parle montagnes, lac d’Annecy et Semnoz avec Cynthia, au chaud dans le California Café. Il y en a tant à faire ici encore – le Santa Cruz notamment. Et les montagnes y sont tellement belles. Peut-être que je reviendrai, un jour. Je ne regrette en tout cas pas d’avoir suivi les conseils d’Antoine et autres randonneurs passionnés par cette région!
Tips numéro 7: s’émerveiller. Toujours. Ne jamais oublier le fait que voyager ainsi c’est génial, et se répéter régulièrement, comme François, que la diversité des paysages que l’on voit est magnifique et incroyable. La phrase « when was the last time you did something for the first time” est plus que jamais d’actualité, et que c’est sacrément bon ce qu’on est en train de vivre!
Incroyable Anna ! J’aurais trop aimé faire les abords de la cordière blanche aussi… En tout cas tu écris super bien, ça retranscrit vraiment bien les paysages et la manière de faire là bas !
Tu reviendras Huguette, t’inquiète! Et merci, ta remarque sur mon écriture me touche beaucoup 🙂