Carnet de voyages en Nouvelle-Zélande, Europe et Amérique du Sud
Le Canal du midi à vélo

Le Canal du midi à vélo

Après avoir descendu la Loire deux années de suite – et fait une pause l’an dernier dans nos vélos trips pour cause de mariages – nous sommes reparties en vélo, direction le Sud.

Toulouse -> Agde: 250km, en quatre jours. Le Canal du midi à vélo, un parcours cyclique sobrement surnommé par nous « vélo et cassoulet ».

Jour 1,  Toulouse – Castelnaudary

Vendredi soir. Toulouse. Ville de départ. Comme à chaque fois, je me laisse charmer par ses briques roses et son accent, sa langueur provinciale qui m’est si chère, regrettant encore que cette ville se situe si loin de mon centre.

On démarre sec, pour faire descendre les magrets de la veille. Les Giant sont prêts. Notre loueur de vélo nous les a ramenés depuis Béziers, on les lui rendra à Agde, deux cents kilomètres plus tard. On a trouvé Timo et Isabella en fouillant Internet. Deux Hollandais qui gèrent une compagnie de vélos, ça fait un peu cliché. Mais la qualité de Relax Bike Tours est au rendez-vous, nos sacoches écologiques et sur-mesure sont optimisées et les roues bien gonflées. On laisse derrière nous les flots boueux de la Garonne pour ce Canal qui se cache derrière la gare Matabiau.

Les platanes et les péniches défilent. Le chemin de halage balisé fait place peu à peu aux sous-bois humides, aux flaques et aux feuilles mortes qui encombrent mon garde-boue. A certains endroits les herbes hautes n’ont pas été taillées, je ne sais si mes rougeurs sur les cuisses viennent du soleil ou des ajoncs. Pendant un long moment on longe l’autoroute qui mène à la Méditerranée, le brouhaha du trafic couvrant nos bavardages. Le rythme ralenti. Je suis loin de cette obsession de la performance qui façonne mes habitudes de coureuse, et bien que je ne peux m’empêcher de jeter un œil à ma montre, cette « pause » dans mon quotidien me fait du bien. Les copines prennent leur temps, on est là pour les paysages, pas les kilomètres. Mes jambes se reposent, tandis que mes fesses commencent à souffrir.

Enfin, on arrive à Castelnaudary. Ville morte, même en ce samedi après-midi. On longe son bassin et on se perd dans ses ruelles à la recherche d’un PMU pas trop ghetto, pour une pause bien méritée. Il nous reste quelques kilomètres à avaler avant d’arriver à destination, tant pis pour le cassoulet tant réputé, Castelnau ne nous a pas vraiment donné envie.
Enfin, on arrive chez notre hôte, dans les hauteurs de Saint Martin Lalande. Caroline est Québécoise, et vit dans le Sud-Ouest depuis une quinzaine d’années. Claquées par 67 kilomètres de vélo, elle ne nous laisse pas nous endormir à table. Son accent, mélange de cagole occitane et de caribou, nous redynamise, tout comme son énorme plat de lasagnes – dont nous ne nous viendrons pas à bout, même après nous être resservies trois fois. Je note avec attention tous les conseils qu’elle me donne pour mon prochain voyage, avant d’aller m’écrouler sur un matelas.
Au matin, après avoir été réveillées par le chat, on englouti pancakes américains au beurre de sirop d’érable avant de remonter en selle.

Jour 2, Castelnaudary – Carcassonne

Cette journée est la meilleure, de l’avis général. Les parties du Canal traversées sont paisibles, le dénivelé est minime, et le nombre de kilomètres parcourus n’est que de trente-six. Les platanes ont laissé leur place aux peupliers. On prend le temps de regarder les péniches passer les écluses, unes à unes. Tout le monde se salue en se croisant. C’est dimanche, il faut croire que la vie est belle.
Trois cyclistes nous dépassent, avant de décider de faire un bout de chemin avec nous. Ils ont quitté femmes et enfants pour bouffer du kilomètre pendant trois jours. Ils décident vite d’accélérer à nouveau, après nous avoir répété plusieurs fois que l’on était « bien courageuses » de faire ce trajet. Cette admiration inutile devant le fait que trois femmes pédalent pendant plusieurs jours me fait toujours autant sourire. On joint juste l’utile à l’agréable.

Carcassonne est déjà là, on a à peine eu le temps de sentir nos courbatures de la veille. Cette fois, nos hôtes nous accueillent avec un petit apéro et une bouteille de leur vin blanc local. Il est seulement 14h. Allons donc nous perdre dans la cité médiévale. Il nous reste juste assez d’énergie pour prendre un audio-guide et visiter le château, ainsi que les remparts qui surplombent le pays cathare. Mon cerveau fait vite le tri des informations, et on abandonne très vite la restauration des tours gallo-romaines par Viollet-le-Duc, pour un cassoulet encore brûlant. C’est dimanche soir, on a ralenti. Le jus du canard descend direct dans nos mollets. Pour l’instant on prend notre temps. Tombées sous le charme de cette cité médiévale, on profite de cette échappée bienvenue le temps d’un weekend.

Jour 3, Carcassonne – Gruissan

Pas sûre que l’huile du cassoulet soit un bon carburant. Le troisième jour est TOUJOURS le pire jour. On le sait, on l’avait déjà expérimente il y a deux ans. Alors, pourquoi avoir réservé notre troisième étape aussi loin? Pourquoi s’obstiner à vouloir suivre ce Canal du midi? Pourquoi avoir rajouté des kilomètres à la fatigue, et aux courbatures? Non mais, sérieusement.

Comme à chaque fois, le GPS nous plante dans ces moments-là. L’heure tourne, le soleil est au zénith, et à 13h on n’a toujours pas trouvé de supermarché ouvert en ce lundi – non férié. Il faut quitter le canal pour enfin trouver trois tomates, et de l’eau fraîche. Les écluses sont derrière nous depuis un moment. La tension redescend lorsque l’on goûte à nos premières cerises de l’année, un de mes nombreux rituels plaisir – comme le premier brugnon, le premier grain de raisin, et la première fondue.
Plus tard, on se paume à nouveau, croyant le logiciel de géolocalisation Strava plus précis que googlemaps. La route a disparu, nous laissant au milieu des vignes et des coquelicots. Ce sacré Canal de la Robine, nous menant à Narbonne, se sera fait désirer. Trop crevées, on snobe Narbonne, et on continue, jusqu’à la mer. Il reste encore une quinzaine de kilomètres, et le vent s’est levé. J’ai envie d’accélérer, mais notre allure baisse, tout comme notre énergie. Il faut attendre la douche pour nous revitaliser après ces 94 kilomètres.

La journée n’est pas finie. Le meilleur est à venir. On voulait voir la mer. L’appartement est anecdotique, mais le petit village de Gruissan, entre mer et étangs, est très mignon. Il faut pédaler encore un peu pour arriver à la Cambuse du Saunier, une paillote qui sert des fruits de mer au bord des marais salants. Les huîtres sont dégustées face au spectacle de la lune se levant dans les tas de sel. La glace au caramel salé, fondant sur une tranche de pain perdu, clôt cette soirée en beauté. Ce lieu magnifique valait bien une centaine de kilomètres, et de la Biafine.

Jour 4, Gruissan – Agde

Ce dernier jour, c’est du bonus. Pour nos courbatures, et notre bronzage agricole. On a perdu le Canal du midi depuis la veille. Qu’à cela ne tienne, on suit les odeurs marines en longeant les étangs du golfe. Les paysages ont changé, la chaleur aussi. Par contre, on a un train aujourd’hui, et il ne s’agirait pas de le louper. On accélère sur le chemin, avant de nous octroyer une petite heure sur la plage à Vias, pour la première baignade de l’année. Je me rhabille avec ce que je trouve dans ma sacoche, avant de reprendre le train à Agde en fin d’après-midi, après 45 kilomètres de coups de pédale.
Les regards des autres passagers à Gare de Lyon me feront douter sur mon débardeur orange fluo en plein Paris. Le weekend est déjà loin. J’envoie un message à Lydie et Pauline, juste avant de me faire engloutir par le métro, pour que l’on commence à réfléchir à la destination de l’an prochain.

Notre Canal du midi à vélo, c’est celui-ci. 250 km, passés trop vite.

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