Me voilà une fois encore dans un pays qui n’était pas sur ma liste et que le hasard professionnel m’a amené à visiter. Cuba, nom Taïno – peuple autochtone Antillais – qui signifie « la plus grande terre », plus grande île des Caraïbes, est un pays complexe, entre histoire coloniale, esclavagisme, protectorat américain, révolution communiste et régime castriste. Ce petit bout de terre a été l’épicentre du monde en pleine Guerre Froide, avant que les grands pays s’en désintéressent. Pourtant, aujourd’hui encore, l’embargo américain a toujours lieu, et le régime actuel est plus proche d’une dictature que d’une démocratie (parti unique, opposant politiques en prison, absence de liberté de la presse, etc.). Je ne savais pas vraiment où je débarquais en atterrissant à la Havane en ce début du mois d’Août.
Les Cubains
Par endroits, on dirait que le pays s’est arrêté en 1960. L’électricité coupe souvent, les transports en commun sont inexistants, on ne voit aucun panneau publicitaire nulle part, et les quelques supermarchés qui existent sont immensément vides. Sans parler d’internet. Le wifi n’est diffusé que dans les parcs des grandes villes, et sur le Malecon. Pour se connecter, il faut acheter une carte coûtant 3
CUC – Cuban Convertibles, l’équivalent de 3 €, qui permet d’avoir internet pendant une heure. Facile pour le gouvernement de couper les réseaux sociaux… Cependant, tout est accessible. La seule application qui ne fonctionnait pas sur mon smartphone était celle du Monde, rien à voir avec les blocages en Chine ou au Vietnam. Et bien que Coca-Cola n’ait pas accès à cette île, la musique passe elle sans problème, et on se retrouve avec le dernier titre de Ed Sheeran entre deux tubes de reggeaton.
Qui dit dictature, dit parole contrôlée. Apparemment pas à Cuba. Les habitants cherchent toujours le contact. On dirait des Italiens, prêts à parler de tout. Même de leur gouvernement. Après quelques minutes, les langues se délient, et on apprend que certes, tout le monde a eu accès à l’éducation, mais sans de vraies perspectives d’avenir, un très gros fonctionnaire ne gagnera pas plus de 80 CUC par mois, l’équivalent de 80 euros. Personne n’a de carte de crédit, les visas pour sortir du pays sont très difficiles à obtenir, ce qui complique grandement tout besoin et envie de voyage. Tout est complexe dans le régime castriste, chaque démarche nécessite un accord d’en haut, du gouvernement – encore une fois. Fidel est mort le 25 novembre 2016, mais peu importe, la transition avec son frère Raul n’a pas changé grand-chose, bien que des élections soient attendues pour 2018.
C’est lors de ces discussions, et durant notre visite au Museo de la Revolucion que j’ai révisé mon histoire du XXème siècle, et celle de Cuba. Le mouvement du 26 juillet, sur lequel est basé toute la Révolution castriste. En 1953 Castro a tenté un premier putsch, avant d’être emprisonné, puis libéré quelques mois plus tard. C’est à ce moment là qu’il crée, depuis le Mexique, le movimiento del 26 de Julio, duquel est parti la révolution et toute son idéologie: révolution nationaliste (basée sur les écrits de José Marti), morale (antiaméricanisme), et sociale (libérer et sortir le peuple de la situation de sous développement de la dictature de Batista). Fidel Castro a rassemblé quelques dizaines d’hommes autour de lui, et ils ont embarqué sur un petit yacht, le Granma – aujourd’hui exposé en plein cœur de la Havane. De leur débarquement sur une plage de l’ouest du pays le 2 décembre 1956, ont suivi trois ans de guérilla, avant qu’enfin Cuba soit libérée de l’emprise de Batista, en janvier 1959. Depuis, le pays est géré par les Castro, et le Che, qui faisait partie de la bande du Granma, a été assassiné en Bolivie à la fin des années 60, en tentant de créer d’autres foyers révolutionnaires.
On repassera sur la qualité de la nourriture, qui subit de plein fouet l’embargo stoppant l’importation de produits occidentaux, depuis 1960. Les Cubains ne meurent pas de faim, mais on ne peut louer leur rhum – qui parait-il, est meilleur dans les Antilles, ni leurs plats. J’ai donc fait comme les locaux, j’ai laissé les frites au bord de mes assiettes, et j’ai mangé goyaves, papayes, mangues, poissons et langoustines grillés pendant dix jours. Le reste n’était que gras, à part leurs flans servis en dessert. Comme si toute la légèreté avait été prise par la musique, et le rythme qui passe des tambours à la cadence des corps.
Musique Cubaine
La musique est une part très importante de la culture cubaine. Certes, le Buena Vista Social Club a laissé des traces, et on entend « Chan Chan » ou « El Comandante » dans chaque bar de la Havane. Mais personne ne se plaint d’écouter et de regarder des groupes jouer pendant des heures, tout en sirotant un mojito.
Au cours de nos balades, nous nous faisons alpaguer dans la rue par Johnny, un jeune métisse qui nous invite à un festival le soir même, et nous explique tout simplement que les Cubains ont la musique dans la peau : « tenemos la música dentro el sangre y el cuerpo »! La musique est ici omniprésente. Elle sort des cafés, des places. Tout le monde a une guitare ou une percussion. Je me prends à sourire à un guitariste sur la place Bolivar. Ramon ne nous lachera plus pendant les trente prochaines minutes, à me chanter sérénade sur sérénade, avant de me demander de rester vivre avec lui!
Le seul défaut de cette musique omniprésente, c’est le reggaeton commercial qui est joué sur chaque poste de radio. Chaque nouvelle écoute de « Despacito » nous détruit un peu plus les oreilles. On se promet avec Flavia qu’on se les lavera au rock au retour.
Pourtant le rythme m’enchante. Tout le monde danse, même dans des endroits les plus incongrus. Cette énergie me fait du bien. Je n’attendais rien de Cuba et j’en repars enchantée. Émerveillée par son rythme, ses habitants, et ses couleurs, ces couleurs qui sont encore plus belles en vrai. Il suffit que je ferme les yeux et je me retrouve dans une vieille américaine roulant dans les rues de Trinidad, fenêtere ouverte, chantant à tue-tête sur des rythmes reggeaton. Hasta pronto Cuba!
Pour prolonger le plaisir et les couleurs, il y a les magnifiques photos de Yannis, croisé à La Havane.
Vos photos sont magnifiques.
La culture cubaine transpire à travers vos clichés !