Rien de tel qu’une petite Ford Fiesta automatique pour traverser et visiter la Belle province. Deux mille kilomètres de roadtrip à deux, autour du fleuve Saint-Laurent, axe central du Québec. J’avais envie de ce voyage depuis des années et je n’ai absolument pas été déçue.
Le roadtrip commence à la fin de notre escale à Montréal, après avoir pris un peu d’assurance avec les spécificités de la boîte auto – et des freins. On s’éloigne de la ville dans le soleil couchant, remplaçant les gratte-ciels par les érables et les premiers panneaux « attention caribous » (ou orignaux? on n’a jamais vraiment su…). Pendant que j’essaye de comprendre le GPS pour ne pas louper la sortie de Shawinigan, Alex compte les ratons-laveurs que nous croisons, endormis face contre terre en bord de route.
Parc de la Mauricie
Première halte dans une petite ville au nom hospitalier de Grand-mère. Trois grandes rues, une immense église et un supermarché IGA, le minimum pour qu’une ville Québécoise fonctionne. On loge chez Micheline et Yvon, qui nous mettent direct dans le bain à coup d’accent chantant et de croissant gourmand au petit déjeuner (garni de lard, fromage, tomates et bleuets).
Le Parc de la Mauricie est à quelques kilomètres du gite. Des portions entières de route sont en plein travaux, avant l’arrivée de la neige, ce qui nous oblige à changer notre itinéraire initial: on ne traversera pas le parc d’Ouest en Est. La route zigzague entre les sapins pendant des kilomètres, avant que nous arrivions à la cahute délimitant l’entrée du parc. Après avoir discuté avec un ranger et lu les instructions sur la faune et la flore environnantes, nous prenons un canoë sur le lac Wapizagonke. En quelques coups de pagayes nous sommes seules au milieu de l’eau, entourées de montagnes boisées déjà recouvertes de quelques couleurs. Au bout d’une heure, nous accostons sur une plage. Le canoë est tiré jusqu’à un fourré, pour pouvoir l’y retrouver plus tard. La randonnée commence alors au milieu des bois. La balade jusqu’aux chutes Waber est belle. Cette première journée en pleine nature est revigorante pour nous qui débarquons de la ville. Même notre premier bagel-cream cheese-tomate-concombre dégusté en devient délicieux. Aucun son parasite ne vient troubler le tumulte des chutes et les chants des oiseaux. En bonnes touristes, nous suivons les panneaux qui indiquent un point de vue 500 mètres plus loin, pour déboucher devant un des plus beaux panorama de tout notre voyage. Devant nous s’étendent forêts et lacs à perte de vue. C’est exactement cela ma définition de « grands espaces », ce que je comptais voir en venant faire un roadtrip au Québec.
Belle entrée en matière au pays de l’immensité. On se sent bien petites, et seules, dans cet espace incroyable. A quelques kilomètres de nous vivent des orignaux, des ours, des loups. Malheureusement (ou heureusement, je n’ai pas encore décidé) on ne croisera que des canards ce jour-là. On avait pourtant préparé une technique infaillible pour faire face à une éventuelle rencontre avec l’ours brun. Alex devait monter sur mes épaules l’une de l’autre, afin d’effrayer la bête, nous permettant de partir en courant. In-failli-ble. On croisera beaucoup plus d’écureuils pendant ces deux semaines, même si – au grand dam d’Alex – on n’en ramènera aucun. J’apprendrai d’ailleurs à reconnaitre le cri de l’écureuil au cours de ce voyage, nous permettant de les apercevoir dans les arbres au cours de nos randonnées. Pour les connaisseurs, ce cri est le même que la femelle écureuil dans Merlin l’enchanteur…
Nous laissons le canoë aux ours de la Mauricie, pour continuer le roatrip le long de la rivière Saint-Maurice jusqu’au lac Saint-Jean. Les routes sont larges, on y fait de grandes courbes avec notre petite automatique. Ca y est, on a pris le pli du freinage, et comment fonctionnait la radio. On monte le son lors des infos, pour tenter de comprendre tant bien que mal ce qu’il se passe dans le monde. Parfois on laisse la playlist couler, et on se met à fredonner La complainte du phoque en Alaska et les tubes des Cowboys Fringants, après avoir enfin compris ce que voulait dire « ti cul ».
Chambord, la Tuque, Alma, Saint-Gédéon. Au milieu de ces villes construites à la va-vite (comme nous le dira si bien Sèb, notre hôte à la Baie), on trouve parfois des pépites. Au bord du lac Saint-Jean, en plein cœur du pays du bleuet se trouve la fromagerie Médard. On a goûté à tout, même au fromage en grains qui ne se conserve pas au frais et qui fait « quick-quick » quand on le mange, et on est reparti avec du cabrouet bien frais.
Quelques virages plus tard, nous rentrons dans le Parc national du Saguenay. Après n’avoir croisé que des lacs, la magie du fjord s’opère enfin en nous.
Tadoussac, et les baleines
Notre itinéraire n’étant pas vraiment défini initialement, nous l’adaptons au fil des envies et des rencontres. On en parle le soir en auberge autour d’une bonne Chasse Pinte, et on calcule le nombre de kilomètres qui nous séparent de la prochaine étape.
La route reprend après cette pause dans le fjord. Direction les Escoumins pour tenter d’apercevoir des baleines. Nous ne marquerons pas l’arrêt à Tadoussac à la sortie du traversier, il paraît qu’elles sont moins timides plus au Nord. Pas de chance, ce jour est le plus froid et le plus humide du voyage. L’attente face à l’horizon nuageux du fleuve Saint-Laurent a raison de nos mains, notre nez, et notre patience. On se réfugie dans un café douillet, puis au Centre de découverte du milieu marin des Escoumins. Quelques dorsales grises apparaissent dans les vagues, puis une tête de phoque. Nos questions à Martin, jeune océanographe du Centre, amènent explications et discussions sans fin sur les cétacés, la différence entre rorquals et baleines, les caractéristiques du fleuve Saint-Laurent (large de 25 kilomètres à cet endroit) et les dangers du réchauffement climatique. Nous repartons au bout de deux heures, enrichies de connaissances précieuses, mais n’ayant toujours pas vu plus que des béluvagues. Notre dernier stop au Cap de Bon-Désir, un peu inopiné, nous permettra de voir se balader trois rorquals et cinq marsouins devant nous. Excitées comme des enfants, nous avons passé un long moment à compter le nombre de minutes que les mammifères passaient sous l’eau avant de reprendre leur souffle. Seule la nuit nous a chassées de notre point de vue.
Les couleurs de Charlevoix
On vient au Québec en Septembre pour l’été indien. Pour les couleeeeeurs de l’été indien!
Comme on nous le répète depuis le début, les couleurs commencent enfin à sortir. Ce qui veut dire que les feuilles des érables commencent à rougir. On sait que le climax est en octobre, mais ce mélange de vert, jaune orangé, marron et rouge dans les arbres est déjà incroyable. Je pourrais rouler pendant des heures sur ces routes québécoises, qui nous offrent de beaux points de vue. La playlist continue de tourner. On passera sous silence le nombre de fois où on a chanté à tue-tête L’été indien et J’irais où tu iras de Céline Dion. Le propre du voyageur c’est de s’adapter aux lieux que l’on visite, non ?
On s’adapte. On retrouve les joies des auberges de jeunesse et des réveils échelonnés. On prend notre petit déjeuner dans la brume matinale de la Malbaie, avant de partir marcher. Cette randonnée en plein cœur du parc des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie porte fièrement le nom d’Acropole des Draveurs. Huit cent mètres de dénivelé positif sur cinq kilomètres. Un porc-épic viendra même se frotter à nos pieds, à la recherche d’un peu de nourriture. Improbable rencontre au sommet. Le paysage s’ouvre sur la vallée de la rivière et nous laisse sans voix. On voit au fond les lacs sur les plateaux, et on sent que les glaciers ont façonné la région. Devant nous s’étend un panorama incroyable surplombant les gorges de la rivière. Un faux air des gorges du Verdon, sans la foule des jours d’été. Juste ce qu’il faut de calme pour déguster le traditionnel bagel-cream cheese-tomate-concombre avant de redescendre dans la vallée.
Nous faisons un dernier arrêt avant Québec, à l’Isle aux Coudres. Quelques kilomètres carrés de vergers et plages. La quiétude de ces lieux m’apaise, quelques heures avant de revenir dans l’effervescence citadine. Nous prenons le temps d’aller déguster du cidre de glace, une des plus belles découvertes gustatives de ce voyage. Il est 11h du matin, et je me rends rapidement compte que cet alcool fait à partir de pommes que l’on laisse geler dans l’arbre en plein hiver, pour que le sucre ressorte, n’a rien à voir avec notre cidre français, qui passe pour un vulgaire jus de pommes. Il faut bien un pâté aux croches et quelques pets de nonnes de la Boulangerie Bouchard pour faire passer cela. On les dégustera devant les cimes orangées de Charlevoix avant de reprendre la route, non sans une pointe de nostalgie.
En bonus, la carte de notre petit roadtrip Québecois:
J’ai bien aimé ton article sur ton roadtrip du Québec! Faut dire que malgré les routes qui sont dans un état lamentable, les paysages torchent vraiment des culs!
Excellent article!