A l’aéroport de Copenhague, mes réglisses en poche, j’ai pris un avion pour me rendre à l’autre bout de l’Union européenne. Trois heures plus tard, on se posait en pleine nuit sur la piste d’un minuscule aéroport. Un chauffeur de taxi local m’attendait, avec une belle pancarte à mon nom – j’avais toujours rêvé que l’on m’attende quelque part avec une belle pancarte.
J’ai passé les vingt minutes suivantes la fenêtre ouverte, à humer l’air iodé de la mer, et à rafraîchir ma mémoire avec quelques mots de vocabulaire de base: γεια σας, ou simplement yassas en phonétique, kalimera, kalinicta, kalispera, parakalo, efkaristos, et le bonus Σ’αγαπώ.
Cependant, ce n’est que lorsque j’ai posé le pied hors du taxi, en haut de la caldeira à Firostefani, que tout m’est revenu d’un coup. Alors que je posais le pied sur la première marche blanche d’un escalier, face à l’immensité de la Méditerranée, j’ai pris en plein cette odeur si particulière de l’île, mélange d’ajoncs séchés au soleils, de crottin d’âne et de pisse de chat.
γεια σας Santorini, tu m’avais manquée.
Souvenirs santoriniens
Il y a 25 ans, alors encore blonde, frisée, et innocente, je grimpais en couches les immenses marches entre la plage de roche volcanique de la caldeira, et notre appart, mon biberon à la main. Ce devait être alors mon premier voyage hors de France – ou est-ce l’Angleterre? Premier voyage d’une longue lignée, dans cette île qui compte beaucoup pour ma famille, où la meilleure amie de ma mère possède une petite maison. Nous y sommes retourné plusieurs fois depuis, le dernier passage pour moi étant l’été 2001. « C’est fou » m’a dit ma sœur qui y était il y a quelques semaines, « cet endroit sent notre famille ».
En effet. A chaque coin de rue, j’ai cru voir le chapeau de paille de mon père, et ma petite sœur aux cheveux presque blancs à quatre pattes sur les pavés. Je voyais les aquarelles de ma mère dans le bleu de la caldeira et le blanc des maisons locales. Et j’ai savouré avec bonheur des biftekia remplis d’herbe, rappel de nos dîners en taverne au son du bouzouki.
L’odeur et l’ambiance de Santorin ont agit sur moi comme une madeleine de Proust, au potentiel émotionnel intense en cette période de turbulences familiales. Contrairement à l’Italie et le Royaume-Uni, deux endroits où mes parents adoraient nous emmener quand on était plus jeunes – et où j’ai fait mes deux Erasmus – je ne me suis pas approprié la Grèce. Je n’y étais pas revenue sans eux.
Une fois l’émotion passée et les fantômes écartés, je me suis installée à l’hôtel. Bienvenue à Santorin, une île extraordinaire avec des paysages de rêve.
Caldeira et Oia, des paysages de rêve
On connait tous Santorin. Même sans y être allé, on a tous déjà vu ces images de petites maisons blanches sur fond bleu, souvent avec un chat noir négligemment posé dessus. Comme pour Venise et les milliers d’images de gondoles.
A la seule différence qu’on ne peut être déçu par Santorin. En tout cas moi,je ne l’ai jamais été.
La première chose que l’on remarque en arrivant à Santorin, c’est cette caldeira, entourée de falaises incroyablement hautes. D’immenses falaises volcaniques de 300 mètres, avec au sommet de petites maisonnettes à la blancheur étincelante, surplombant une mer bleue sombre sans fond (1 500 mètres de profondeur).
Un lieu à la fois magnifique et violent. Ces falaises abruptes sont à l’emplacement d’un volcan qui a explosé il y a de cela des milliers d’années. Provoquant l’effondrement de sa partie centrale, il n’en est resté que trois îles, qui forment la caldeira actuelle. Selon certaines légendes, cette éruption est à l’origine du mythe de l’Atlantide, la cité engloutie. Certains chercheurs avancent que c’est plutôt la réticence des habitants à admettre que leur magnifique cité avait péri qui a donné naissance à la légende de l’Atlantide… Je préfère croire aux légendes.
Atlantide ou pas, le voyage à Santorin vaut le détour. Pas pour ses plages, comme on l’aura compris, mais pour ce paysage si particulier. Il n’y a aucun pente sur les bords de la caldeira, ce sont des précipices, que l’homme a par endroits réussi à dompter avec de longs escaliers blancs. Oui, je parle ici de domptage. Les insulaires n’ont pas eu d’autre choix que de creuser la paroi pour pouvoir construire leurs maisons. Des normes strictes sont respectées et l’on trouve les mêmes matériaux et couleurs sur toute l’île: blanc immaculé, bleu turquoise, jaune et orange pastel. Il faut rajouter une minuscule cour pour faire face à la mer, et voilà la maison santorinienne typique.
Par contre, une fois celle-ci construite, bonne chance pour la retrouver dans le dédale des rues de Oia ou Fira. Les ruelles semblent construites sans aucune logique. Il m’est arrivé de nombreuses fois d’emprunter des escaliers qui ne rejoignaient aucun point précis, pour me retrouver dans un cul de sac devant une résidence privée, et être obligée de rebrousser chemin et remonter plusieurs dizaines de mètres de marches!
La ligne droite n’existe pas sur cette île, les courbes s’enroulant à l’infini sur les toits des maisons et le sol des ruelles. C’est cette particularité qui rend les couchers de soleil de Oia aussi grandioses – où une foule compacte de touristes et d’appareils photos/Ipad/smartphones se presse.
De l’autre côté de la caldeira se trouvent des pentes cultivés, quelques plages de sable noir, et les ruines d’Akrotiri. Longtemps à l’abandon (la Grèce n’a pas vraiment de sous pour gratter son sol), les ruines de cette cité disparue avec l’éruption ont été aménagées grâce aux fonds de l’Union européenne – toujours elle. Le peu de pierres fouillées – la moitié du lieu est encore sous terre – se visitent aujourd’hui sous un toit qui les protègent des intempéries. Un Pompéi miniature aménagé, en quelque sorte.
Atlantis book et sa terrasse
Il y a à Santorin, à Oia plus précisément, une incroyable caverne d’Ali Baba remplie de livres du sol au plafond.
Atlantis book est une institution. Créée depuis dix ans, on en trouve pour tous les goûts, toutes les langues. Il faut oser y rentrer, au risque de ne plus en ressortir. Moi qui pourrais rester des jours entiers à flâner dans une librairie, j’ai savouré chaque instant au milieu de ces livres. J’ai grimpé aux étagères et bravé mon vertige pour me retrouver sur leur belle terrasse surplombant la caldeira. Puis, comme à chaque fois, ne voulant pas repartir les mains vides, j’ai cherché quelque chose à ramener. J’ai trouvé le livre qu’il me fallait, parfaitement adapté à l’endroit: l’Odyssée, d’Homère.
Right time, right place, comme ils disent.
Cela m’a fait du bien de regarder ces belles photos car c’est endroit proche où j’aimerais bien séjourner un peu… si un jour j’arrive à convaincre ma moitié que ce n’est pas pile-poil la Grèce que nous connaissons…
merci! l’original est encore plus beau!
Je viens tout juste de tomber sur ce site, et ça m’a charmé! Quel paysage enchanteur, cela me fait d’autant plus rêver d’aller visiter ce magnifique endroit !
Merci Laurence! N’hésitez pas, allez y faire un tour 🙂
Ce n’est pas l’envie qui manque ! C’est magnifique
C’est magique Santorin, j’y ai passé une semaine en juillet 2016 et les paysages sont à couper le souffle, à chaque détour de ruelle, c’est une vraie claque, j’en ai eu les larmes aux yeux plusieurs fois….J’engage tous mes amis à y aller, je suis une vraie ambassadrice e cet endroit hors du monde, on ne peut qu’être éberlué par tant de beauté, Santorin ne ressemble à rien de connu, Santorin…c’est simplement…Santorin, dans toute sa splendeur.
Merci Laurence pour le partage d’émotions, j’y retournerais bien aussi!
Merci pour votre témoignage si bien écrit et illustré : Nous partons demain !