J’avais envie de passer du temps avec des locaux, profiter d’être au Chili et en Argentine pour me poser un peu quelque part, et partager Noël avec un bon groupe de personnes. Calypso étant également sur la même longueur d’onde, on a cherché une opportunité de volontariat dès début décembre, sur le site de Workaway, avec son profil. Après plusieurs retours positifs, et de nombreuses tergiversations sur la région à choisir, on a validé notre séjour auprès de Pablo. La Hacienda Tres Lagos nous attendait mi décembre, il ne nous restait qu’à y arriver, en stop, après plusieurs heures de piste.
Volontariat à la Hacienda Tres Lagos
En fait, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre avant notre arrivée, ni à quelle sauce on allait être cuisinées. C’est finalement dans le restaurant qu’on a eu besoin de nous: le dernier serveur – « garçon », prononcé à la chilienne – recruté ne parlait pas un mot d’anglais.
La Hacienda est un hôtel lodge perdu au milieu de nulle part entre trois lacs, le Lago Général Carrera, Lago Negro, et le Lago Bertrand, plus loin. On raconte que le propriétaire aurait acheté ce lieu en hommage à son père, alors soldat de l’armée chilienne, s’était perdu ici avec son régiment (à une époque où la Carretera Australe n’était pas encore construite). Ils avaient alors dû manger les chevaux, pour survivre en pleine Patagonie hostile.
Aujourd’hui encore le lieu est complètement paumé. Le village le plus proche, Puerto Guadal, est à 10km, tandis qu’on met cinq heures pour rejoindre la première ville, Coyhaique. Il n’y a pas de réseau, et le wifi ne se capte qu’à la réception. Car oui, la beauté de la Carretera Australe se mérite. Ici les ciels sont incroyables. Le jour, on voit les nuages se balader entre les cîmes, puis, vers 22h, l’horizon se colore de toutes les teintes de rose, avant de disparaître pour de bon derrière les montagnes.
On a bossé, un peu. Il n’y avait pas beaucoup de clients pendant cette période pré-Noël, donc notre activité dépendait des jours. En général on s’occupait du petit dèj de 7h à 10h30, puis du dîner, de 19h à 23h. On discutait des heures avec les clients, voyageurs de passage. Et une fois encore, j’ai vendu avec brio du vin non Français à des étrangers, vantant les mérites de tel Malbec par rapport à tel Cabernet. En parallèle, j’ai développé une passion pour le Carménère, ce cépage qui a été décimé en France mais sauvé ici, et qui est cultivé seulement au Chili.
Cependant, le meilleur de ce volontariat résidait dans l’équipe de la Hacienda. En plus de Pablo, le gérant qui avait l’âge de ma petite sœur, il y
avait une bonne team qui logeait sur place. Chaque soir après le service, on allait jouer au billard en buvant du PiscoCola ou cette bière Ecuador locale au goût d’eau, au son d’un reggaeton entêtant. Autant dire que mon rythme sain du voyage en a ici pris un coup. Hugo, le chef cuistot, nous faisait goûter de tout dans sa cuisine. Saumon, tapenade, mote con huesillos, tout y passait. Quand Vicente passait une tête pendant nos pauses, on lui apprenait un peu de français. Après quelques jours, on n’était pas peu fières de notre « coucou toi » qu’il nous lançait tous les matins! L’après-midi, on se posait au soleil à partager le maté avec Felipe et Pablo. Et dès que j’avais le temps, je jouais avec les neufs chatons tout juste nés, et Calafate, le gros chien fou de deux semaines.
Noël chilien
Je n’avais jamais passé Noël loin de ma famille. Mes parents et ma sœur m’avaient rejoint en Nouvelle-Zélande. Et malgré le fait que les fêtes peuvent parfois être pesantes, elles restent pour moi synonyme de Bretagne, brioche du 24 au soir, chapon, photo dans l’escalier, huîtres, chaussures au pied du sapin, foie gras et boites de chocolat, avec toute ma famille. J’appréhendais donc un peu cette période de l’année. Sans raison. Certes je n’ai pas eu de cadeau le 25 au matin, et le chocolat m’a (énormément) manqué. Mais j’étais avec Caly et on a partagé un agneau à la mode patagonienne – écartelé, embroché devant le feu – avec toute l’équipe. Et le 26 décembre j’ai fait mon dernier bain de l’année dans le Lago Negro, entourée de montagnes. Original!
La Carretera Australe
Cette région patagonienne est perdue au milieu de nulle part. Entre Chile Chico et Coyhaique ce n’est que de la piste. Dix heures de piste. Et pourtant, malgré les cahots et la lenteur de cette route, ce serait dommage de faire l’impasse sur la Carretera Australe. La piste longe le lac Général Carrera, le deuxième plus grand d’Amérique latine (à cheval sur l’Argentine). Eaux turquoises, montagnes enneigées, route accidentée. Ce n’est pas aussi vert qu’à Bariloche, mais il y a ici un aspect sauvage complètement dingue que seule cette région possède.
Malgré son isolement, il y a mille activités à faire. On peut aller visiter les Capilla de Marmol, formations rocheuses en marbre, juste à côté de Puerto Rio Tranquillo. Ou se faire embarquer sur un bateau la veille de Noël pour l’anniversaire de Pablo, histoire d’aller se poser sur une plage déserte, pêcher des truites et faire un barbecue sur le sable.
Et un matin on se lève aux aurores pour voir une dernière fois le soleil se lever sur la Terre patagonienne. Après dix « porque te vas ? » et quinze abrazos, la porte du van se ferme. Merci la Hacienda. Il me reste cinq heures de piste sur Carretera australe pour profiter de panorama splendides, avant de prendre l’avion pour le Nord. Sur fond de vieux rap américain des années 90, le paysage a défilé. Adios Patagonia.
Tips numéro 23: la Patagonie chilienne c’était ça et plus encore. Les Mapuche (et ce conducteur qui m’a demandé quelle était la relation de la France avec ses « pueblos nativos »… je vous laisse y réfléchir), les gauchos, leurs chevaux et leurs bérets, les arbres penchées à cause du vent, la région qui s’appelle Ultima Esperanza, les bérets, le vent, l’immensité, les ciels, le vent, etc. Je reviendrai un jour, je le sais.