La Patagonie, ça se mérite.
Il faut être prêt à faire 27 heures de car, quitter des gens qui nous sont chers sur un quai de station de bus et partir complètement à l’opposé l’un de l’autre, puis être conscient que l’on va dépenser un rein et plus pendant les semaines qui vont suivre. Et pourtant, cette Patagonie est une des étapes essentielles de mon voyage, présente dans ma tête avant même que ce parcours ne prenne forme. J’en rêve depuis les glaciers Franz Josef et Fox néo-zélandais, depuis Stewart Island et ce délire d’aller le plus au sud possible. J’en rêve depuis plus longtemps sûrement, grâce à des récits contant légendes de bout du monde et histoires de migrants européens ayant échoué là il y a quelques centaines d’années. Puis celles des aventuriers qui ont suivi.
Pionniers, écrivains, reporters, marins. Qu’ils s’appellent Éric Tabarly, Nicolas Hulot, Bruce Chatwin, ou François Gabard, mes héros à moi sont passés par ici. L’évocation d’Ushuaia et du Cap Horn me faisait rêver. Alors après avoir su les placer sur une mappemonde, il était grand temps que j’aille vérifier de mes propres yeux si on ne tombe pas de la carte lorsque l’on arrive au bout du Sud. Je me revois sur mon canapé parisien, enroulée dans un plaid, mon ordi, mon thé et mes bouquins étalés devant moi, à avoir les larmes aux yeux en regardant des vidéos de ces paysages alors lointains. Donc changer totalement d’itinéraire pour rester une semaine de plus dans le Nord, ça aurait été me mentir à moi-même. De plus, les réservations étaient déjà faites pour le trek W, et Calypso m’attendait.
La Patagonie Nord
La Patagonie est un territoire immense, qui s’étale sur Chili (à l’ouest) et Argentine (à l’est), séparés par la Cordillère des Andes, et qui pour le côté argentin, fait la moitié du pays, avec une densité de 2,2 habitants au km2. Autant dire que c’est grand, très grand, avec des plaines quasi désertes.
On en avait déjà eu un aperçu pendant notre roadtrip, en s’enfonçant sur les pistes cabossées de Cochamo et Hornopiren. Au-delà, ce n’était que montagnes et forêts, avec quelques petits villages accessibles uniquement en ferry, par des fjords étroits ou des chemins cahoteux perdus. L’immensité de la nature, plus forte que l’Homme, s’offrait déjà à nous.
Une fois qu’on a eu quitté Laet, on est passé en Argentine. J’attendais ce retour avec impatience, ce pays et ses habitants m’ayant fait une tellement bonne impression à mon arrivée sur le continent. Après avoir laissé volcans et lacs chiliens derrière nous, on traverse la frontière à travers un parc montagneux magnifique. Autour de nous, ce ne sont que pics et montagnes effilées. La route est déserte, les points de vue tous plus impressionnants les uns que les autres. On passe Villa Angostura, on longe un lac, et nous voici enfin à Bariloche.
Bariloche
Les voilà les paysages auxquels je rêvais dans les altiplanos, au milieu de la sécheresse de Tilcara et du désert d’Atacama. Des lacs bleus turquoises, des montagnes enneigées, du vert à perte de vue, et une petite ville où il fait bon vivre. Oui, ça a un air de déjà-vu pour la Haute-Savoyarde que je suis. Mais ce paysage, qui certes me ramène à la maison, reste encpre celui dans lequel je me sens le mieux.
Bariloche est une ville sympathique, où fleurissent les brasseries artisanales et des glaceries comme Rapa Nui. Après avoir bu quelques bières et être allé faire des ricochets au bord du lac, cela vaut le coup d’en sortir un peu en bus jusqu’à la réserve de Llao-Llao, puis louer un vélo pour faire le circuit Chico. Les panoramas sont époustouflants sur cette boucle de 25 kilomètres, surtout si on prend le temps de monter – à pieds – au Cerro Llao-llao (à prononcer « chao-chao », on est de retour en Argentine!), ou au Cerro Campaniaro. Et bien sûr, on a profité d’être à nouveau dans ce pays de viandards pour se faire plaisir dans une parilla locale, et manger un délicieu morceau de steak saignant, accompagné d’un bon Malbec.
Direction El Calafate
Vingt-sept heures de bus. Pour un prix aberrant – mais prendre l’avion aurait été deux fois plus cher. Voilà la rançon de la Patagonie. Pendant tout ce temps, j’ai eu l’occasion de voir défiler le paysage. Les montagnes se raréfient après El Bolson, à deux heures de Bariloche. Le vert change et se transforme en plaines arides, comme celles de l’altiplano. On l’appelle ici la steppe patagonienne. Il y a des flamands roses qui boivent dans les étangs, à côté des troupeaux. Je parcours la mythique Ruta 40, à l’opposé du morceau que j’avais pris au début de mon voyage, vers Salta. Cette route parcourt le pays du Nord au Sud, en longeant les Andes, et s’arrête juste avant la Terre de Feu.
Son immensité me ferait presque peur. Une fois en bas, après des jours de transport, comment vais-je remonter? Les lueurs du crépuscule me rassurent pourtant eu à peu. Les couleurs sont incroyables sur la pampa. C’est cette intensité un brin magique, ce dépaysement sauvage, que je suis venue chercher. Je trouverai un moyen de la traverser, puis d’en revenir, malgré mon budget qui devient limité.
Je me se réveille après un sommeil en pointillé en voyant des guanacos – lama local, et des ñandus, sortes d’autruches, brouter dans les plaines. Il fait beau, contrairement à tout ce qu’on m’avait rabâché sur la région. Je suis enfin en Patagonie australe. Une nouvelle aventure s’ouvre à moi.
Tips numéro 18: mangez de la viande en Argentine, vous réduirez votre consommation en rentrant en Europe, pour compenser! Elle est incroyablement bonne, ça serait dommage de passer à côté!