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Roadtrip au sud du Chili, dans la région des lacs et des fjords

Roadtrip au sud du Chili, dans la région des lacs et des fjords

Laetitia était ma première coéquipière de roadtrip à l’étranger. A l’époque, on avait à peine vingt ans. On découvrait dans sa 106 bleue le Pays de Galles et autres contrées anglo-saxonnes pendant nos week-ends, en pleine année Erasmus. 

Fin août 2018, alors que je venais d’arriver en Argentine, j’ai reçu un message de sa part:
« J’ai des vacances à prendre en novembre, tu seras où ?
– Peut-être dans le sud du Chili, le nord de la Patagonie. Mais je te préviens, ça risque de ne pas beaucoup te dépayser!
– Aucun souci, ça m’intéresse! On en reparle ».
On en a reparlé. Puis de deux on est passé à trois, et on a loué une voiture pour se faire 2 000 kilomètres de roadtrip dans la région des lacs chiliens, pendant dix jours. 

Puerto Varas y Lago Llanquihue 

Pour nos trois premières nuits dans la région, nous avons été hébergés par Guillermo, un pote d’une amie de ma sœur. Il gère les Cabañas de Rio Pescado, au bord du Lago Llanquihue, et nous en a gentiment prêté une. Après plusieurs heures de bus et d’avion (pour arriver de France, ou de Santiago) avons passé une soirée parfaite, une buena mesa chilienne, à partager saumon, pisco, vin chilien, avant que Guillermo nous initie aux jeux de dés locaux. La généreuse hospitalité chilienne n’est pas un mythe, comme nous avons pu le vérifier pour la deuxième fois, après l’accueil de Victor à Santiago. La force de leurs vins sur nos petites têtes non plus. 

C’est depuis cette petite « cabane » au bord du lac (que l’on appellerait plutôt « bungalow » chez nous), depuis laquelle nous pouvions voir le sommet du volcan enneigé, que l’on a fait nos premières excursions. Les chutes d’eau de Petrohue, aux couleurs blanches et bleues perçantes. Le lac Todos los Santos, et sa rando au milieu des coulées de lave depuis longtemps séchées. Le presque sommet du volcan Osorno, depuis le début de remontées mécaniques. Il y restait un peu de neige, et de vent glacial mais, au grand dam de François, la saison était déjà finie depuis deux mois. 

Puis, le lendemain, nous avons passé quelques heures dans la voiture à faire le tour du lac Llanquihue par les petits villages, sous une pluie torrentielle. Petites églises et maisons typiquement germaniques, l’endroit est très particulier. Le gouvernement chilien avait invité des colons allemands à venir s’installer ici il y a deux siècles, pour cultiver la terre (et occuper une partie du territoire Mapuche). Il en reste une architecture et une nourriture typique, des Kiche et torten, quelques mots germains totalement incongrus de ce côté-ci de la planète. 

Cochamo, Hornopiren, et les fjords

Après une journée de pluie, on a repris la route, vers le Sud, en esquivant les nuages. Soixante kilomètres de route, avant d’arriver sur une piste. La petite voiture rebondit sur les cailloux, alors qu’on se fait doubler par des pickup à fond de cale. Ce sera le rythme du voyage, notre titine ne peut pas mieux et les routes chiliennes sont approximatives, comme on va le découvrir petit à petit. Parfois on se retrouve coincées derrière un énorme chasse-neige local, qui écrase la terre et les rochers pour aplanir le chemin. La voilà la Carretera Austral, cette route aléatoire qui traverse la moitié du pays. Avant chaque virage, on pense avoir atteint le bout du monde. Les cartes s’arrêtent. Et pourtant il reste toujours un chemin sur lequel les autres véhicules s’engagent. J’ai du mal à concevoir comment un pays aussi développé et aussi riche que le Chili peut avoir encore en 2018 des endroits accessibles uniquement par la piste, ou par avion. Et pourtant, je me rendrai vite compte que ces routes font partie de l’identité du pays. 

Peu à peu les paysages changent. Les eaux glaciales des lacs laissent la place aux eaux salées du fjord de 80km qui forme l’accès au nord de la Patagonie. Autour de nous des volcans surplombent la route. Ça me démange de continuer plus au sud, et rentrer en Patagonie. C’est pour cette région que je suis venue ici, c’est pour cet endroit que je voyagerai à nouveau seule quelques jours plus tard. Mais ce n’est pas encore le moment. 

Le petit village de Cochamo ensoleillé, contient deux rues, une église magnifique en fond de fjord, et des hordes de chiens errants, comme partout ici. On tentera une randonnée de quelques heures pour rejoindre la Junta, dans les sous-bois et la boue, sans succès vu l’heure tardive. 

Notre airbnb nous attendait à Contao, un bled accessible via la piste, ou le ferry. Comme indication, on avait uniquement « maison verte » et « agua potable ». Sans wifi, on a tourné dans le village pendant un moment. Il suffisait pourtant d’aller demander à n’importe qui la « casa de Nicolas » pour y arriver. Le temps de faire le feu, la carte était déjà étalée sur la table et on pouvait préparer la suite du voyage. 

Valdivia et la côte Pacifique

En roadtrip avec une vieille voiture de location, on se retrouve souvent une radio aléatoire. Ceci pour le plus grand bonheur du champion de blindtest en toutes catégories avec qui on voyage. Céline Dion, Queen, ABBA, Vanessa Paradis (si, si, on l’a bien entendue sur une radio chilienne), rien n’est trop compliqué pour lui. J’ai abandonné depuis longtemps de jouer, je me contente de chantonner et d’aiguiller la conductrice. On zappe la pub, et on remonte la route et les péages,  après avoir laissé les fjords. 

La prochaine étape sera Valdivia, ses bars étudiants en plein weekend, et ses énormes phoques qui se font rincer en poissons lors du marché du matin. On suit la côte Pacifique jusqu’au bout, pour une balade en bord de mer au milieu des notros, l’arbre de feu chilien – et argentin – qui ressemble étrangement au pohutukawa néo-zélandais. Les pieds dans l’océan un dimanche après-midi, après avoir mangé des empanadas avec vue sur l’océan, et avant de reprendre la route, entre amis, tout cela a un côté familial qui commence à me manquer. 

Lago Villarica

Les derniers jours de ce roadtrip ont été passés au bord du lac Villarica. Logés dans une grande maison, on a passé nos journées à enchaîner les randos dans les parcs environnants, et nos soirées à profiter de la cuisine pour se faire quiches, cookies, crumble, soupes et pâtes bolo, accompagnés de bons vins chiliens. Le bonheur simple de se sentir un peu chez soi, à plus de 15 000km de l’endroit que j’appelle maison. Les bois du parc Huerquehue (Lago Tinquilco, Lago Toro, Lago Chico) et les vues sur le volcan depuis Los Crateres nous ont en mis plein les yeux. Mais tout cela c’était pour patienter et gravir le volcan Villarica lors de notre dernière journée. 

Le volcan Villarica 

Les volcans nous faisaient de l’œil depuis le début du roadtrip, il était temps d’en gravir un. Le Villarica surplombe le lac qui porte son nom. Il est complètement enneigé au sommet, avec un petit panache de fumé qui lui sort tranquillement du cratère. La meilleure fenêtre de beau temps était notre dernier jour. On a tout réservé la veille dans une agence francophone, et à 8h on était au pied des télésièges pour gravir le monstre. Départ à 1600m, sommet à 2800.
400m de dénivelé raide pour commencer, dans la caillasse, avant de mettre les crampons au premier névé. Laet marchait devant moi, alors que François était plus haut, avec un autre guide, les skis attachés à son sac, pour un autre type de descente. J’ai mis mon vertige de côté pour me concentrer sur mon piolet, la glace et mon guide qui me mettait petit à petit à l’aise. Lac en contrebas, sommet en vue, je prenais tranquillement le rythme. C’était sans compter le vent qui s’est levé, et qui nous a couché à flanc de pente. Dans la semi panique de la météo imprévue, les guides se sont concertés et la prudence a été choisie. Toutes les compagnies sont redescendues vers le premier relais, à l’abri du vent.

C’est dommage, il ne nous restait que 600m de dénivelé, et mon vertige me laissait tranquille. Mais on ne joue pas avec la montagne, même quand c’est un volcan. Tant pis, j’étais déjà fière d’avoir réussi à arriver là. J’ai pris ça comme une initiation à l’alpinisme, une chose de plus à creuser quand je reviendrai en Rhône-Alpes. La redescente s’est faite en luge, sur les fesses. Drôle de façon d’en finir avec un volcan. 

On ne s’est pas laissé abattre et on s’est rattrapé avec un bon resto le soir, avant de se quitter le lendemain à Puerto Montt, là où ce roadtrip avait commencé. Laetitia partait vers le Chablais, nous on reprenait un bus pour Bariloche. A chacun ses montagnes. 

Tips numéro 17: pour une buena onda chilienne, prenez du Pisco et de la limonade, qui vous feront oublier vos Ginto fades. Sinon demandez à François la recette du Pisco Sour, après 2-3 ratés ça commençait à avoir de la gueule ! 

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