Il faut un début à tout. Certains diront que mes envies d’ailleurs viennent de mon éducation et des nombreux voyages familiaux. Pour d’autres, sans le film « l’Auberge espagnole », je ne serais jamais partie étudier à l’étranger. Pourtant je me souviens très bien de ce premier décollage en septembre 2006. Certes, âgée d’à peine cinq ans ma maison a été pendant six mois un camping-car Wolkswagen rénové par mes parents. J’avais alors posé le pied dans une dizaine de pays différents. On passait des frontières en ferry, on apprenait l’importance de savoir dire « gelato » en italien, on se racontait des histoires, on buvait le thé dans des palaces ottomans, on découvrait les supermarchés vides de l’Europe de l’Est, et on s’arrêtait pour laisser passer les tortues. Je voyageais en Europe, et en Cappadoce. Il n’empêche que mon statut de future globe-croqueuse en a pris un coup, quand à un mois du retour je me suis mise à pleurer tous les soirs, réclamant ma mamie et les copains de l’école. On a remis du confort et la routine est revenue, le camping-car et les passeports à portée de main. D’autres départs se sont succédés. Plus courts, presque toujours à quatre, le plus souvent en Europe.
Plus tard, j’ai découvert l’histoire de Xavier, parti à l’arrache à Barcelone. Le programme Erasmus et ses multiples rencontres a commencé à me faire rêver, bien que je ne parlais pas un mot d’espagnol. Avec le recul, on pourrait dire que je l’ai fait exprès m’inscrivant en licence d’Anglais, et que pendant de ces premières années post-bac, j’ai tout mis en place pour qu’il y ait cette première fois. Sans papa ni maman. La première fois où je me suis dis, les portes de l’avion refermées, que je ne pouvais plus reculer. Cette fois-ci où je suis partie avec valise et sac à dos, en sachant qu’en cas de coup dur, je n’avais droit qu’au joker « coup de fil à la famille ». Ces premiers jours à l’étranger, pendant lesquels cette boule au ventre m’empêchait de dormir, de manger, et de boire des pintes de bière locale – petits désagréments devenus au cours des années des rituels. Ces larmes du départ, mêlées de tristesse et d’appréhension à l’idée de quitter ce je connaissais, et d’excitation face à cette nouvelle vie qui ne faisait que commencer.
Mon Pays de Galles
Une fois sur place, la vie s’est mise en place, entre cours, colocataires, soirées étudiantes, visites locales, skype hebdomadaires, pintes galloises, premier blog, et voyages.
Les premiers. Les réservations sur Easyjet, pour se retrouver à Londres dans un hôtel miteux, où cela n’a aucune importance car seul compte le mec qui m’a rejoint; les virées dans la 106 bleue de Laetitia, avec les copines de la fac de Chambéry, à tester les pubs de toutes les localités traversées, pour se réchauffer en plein mois de janvier; ce petit weekend à Dublin le guide du Routard à la main, avec comme objectif de tout voir,même si l’on pique du nez à 23h bercées par la musique dans ce pub irlandais; ce bus pris des dizaines de fois en direction de la Péninsule de Gower, pour aller admirer la plage, alors qu’on sait très bien qu’on ne trempera pas les pieds dans l’océan, au risque de les retrouver gelés; les échappées à quelques heures de train de Swansea, pour la journée, alors qu’on décuve encore des quelques pintes de la veille.
Et ce roadtrip avec Benjamin, à travers le nord de l’Angleterre. Mon premier roadtrip.
A l’époque, mon sac à dos pèse 16 kilos et appartient à ma mère. Je n’ai pas encore vingt ans, mais les baskets sont déjà accrochées au bagpack, « au cas où ». Le kway n’est pas loin, on ne verra pourtant pas une goutte de pluie en ce printemps 2007 étonnamment sec. Les transports se suivent sans vraiment se ressembler. On enchaîne trains, bus (à prononcer « boss »dans la région du mur d’Hadrien) et parfois du stop. On dort chez l’habitant, grâce au couchsurfing, chez une jeune étudiante à York qui nous présente ses amis et l’ambiance nocturne de la ville, ou cette famille adorable dans le Lake District, qui fait tout pour nous arranger, pendant qu’on pouponne la petite dernière de la famille, Ruby. Un traintrip sans carte, qui nous emmène aux frontières de l’Angleterre, un mélange d’architecture urbaine et romaine, d’art contemporain, et de paysages incroyables dans les contrées du Lake District. Quelques mois plus tard, quand j’ai rendu son sac à dos à ma mère, je suis allée acheter le mien. Pour mes vingt ans.
On est remonté dans la 106 en juin 2007 avec Laetitia, pour le dernier voyage. Et une dizaine d’heures plus tard, ma mère me récupérait au milieu de la nuit en Haute-Savoie. Ça en était fini de ce premier voyage au Pays de Galles, mais j’avais tellement d’étoiles dans les yeux, que deux semaines plus tard j’annonçais à mes parents que j’allais prendre une année sabbatique et faire une saison de ski pour mettre des sous de côté, avant de partir vivre à Rome parfaire mon italien.
Cela ne s’est pas exactement passé comme cela. J’ai écouté mon père. Mais je suis tout de même repartie en Erasmus six mois plus tard, à Rome, après un mois de ski dans les Alpes.
Destination zéro, les retrouvailles
Dix ans plus tard, je pose à nouveau les pieds sur le sol gallois. Le Pays de Galles, ce petit morceau de terre à l’ouest de l’Angleterre, dont je n’avais jamais entendu parler avant que l’Université de Savoie me propose d’aller y faire mon Erasmus. Dix mois au pays des moutons, du vent, et du vert. Dix mois dans une parenthèse enchantée, où je m’étais promis de remettre les pieds très vite. A moins de deux heures de vol de Paris, je pensais que j’y reviendrais vite, que ce n’était qu’une question de mois. C’était sans compter la vie. Cette vie qui m’a surprise en m’emmenant chaque fois un peu plus loin. Ces quelques mois se sont transformés en années, et ce n’est que dix ans plus tard – dix ans! – que l’occasion s’est à nouveau présentée. J’ai pu remettre les pieds dans ma contrée anglosaxonne. Croeso y Cymru. Bienvenue au Pays de Galles.
Cependant, je n’avais pas le cœur à cela. En ce début de juillet l’année m’avait fatiguée, le Brexit déçue. J’avais envie de jeter mes pounds à la gueule de chaque Anglais que je croisais, de prendre chaque Gallois dans mes bras. L’impression qu’une partie de moi-même était partie avec ce vote, quelque chose d’irrémédiable, comme une rupture. Je n’avais pas l’envie d’aller parcourir les chemins gallois à la recherche de ma jeunesse insouciante. Cette fois-ci, j’ai juste erré dans les rues de Cardiff, longeant le château et le Millenium Stadium. Un dernier welsh cake, ma provision de thé dans la valise, et hop dans l’avion. Ce n’est que partie remise Wales, tu n’as pas encore quitté l’Europe…
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