Tout le monde parle de ces deux villes argentines, ou villages, comme deux lieux proches. J’arrête le délire tout de suite. Il y a presque 200 kilomètres entre les deux, soit trois bonnes heures de stop – dans le vent glacial de la steppe. On est en Patagonie, chaque ville est très, très, très éloignée de sa voisine. Et en effet, il n’y a rien d’autre autour. Il est donc préférable de faire un tir groupé lorsque l’on veut visiter les deux endroits.
El Calafate
J’étais passée par cette ville sans intérêt après avoir quitté Bariloche il y a un mois. Ma première impression a été celle de me faire arnaquer. Tout y est plus cher que dans le reste du pays. C’était d’ailleurs à ce moment là que j’avais décidé de faire du stop. Aujourd’hui j’y suis habituée, les prix plus élevés sont le propre de la Patagonie, car il faut acheminer toutes les marchandises jusqu’ici. Par contre, l’inflation en Argentine est une réalité. L’entrée au parc national Los Glaciares a pris 100 pesos (2-3€) entre le passage de Gwendoline et le mien – entre mars et novembre 2018, en seulement neuf mois. On parle ici de produits qui augmentent de 100% tous les ans, comme l’essence. Rien à voir avec ce qui se passe en France actuellement… mais ceci est un autre sujet!
Pourtant, il ne faut pas le rater ce parc de Los Glaciares. Et je me dis que ce que l’on paye pour y accéder permet de protéger ce glacier impressionnant qu’est le Perito Moreno. Ce glacier est la seule et unique raison qui justifie un stop à El Calafate. Mais quelle raison! Cinquante mètres de haut, voire soixante-dix mètres par endroits, et plus de cinq kilomètres de large. 254 kilomètres carré, soit un peu plus grand que la ville de Buenos Aires. Et nous, spectateurs, tous petits devant lui. Une passerelle a été construite en face de ses parois, que l’on peut parcourir pendant des heures, pour observer le spectacle de ce géant de la nature. Les nuances de bleu et blancs de la glace changent en fonction du soleil et des nuages. Tandis que nos yeux se posent sur ses couleurs, on écoute le glacier craquer de tous les côtés. Il vit, et avance. Les grondements du monstre sont impressionnants, et quand par moments on voit se détacher un morceau qui va tomber dans la lagune, c’est avec grondement et fracas. Quel spectacle!
Le Perito Moreno est le seul glacier de la planète qui avance encore. Aussi incroyable que ceci puisse paraître, il ne change quasiment pas de forme et reste stable. Après l’Antarctique, le sud des Andes, en Patagonie contient la plus grande superficie recouvertes par des glaciers dans le monde. 370km du nord au sud, 35km de large, 45 glaciers principaux et plus de 100 « petits ». J’ai devant moi l’un des plus impressionnants de la planète. Il ressemble au mur de Game of Thrones, infranchissable – à première vue. Grace à certains miradors on prend conscience de son étendue. Puis, après avoir fait le tour par la passerelle, le Perito Moreno devient quelqu’un que l’on connaît. Je n’ai toujours pas réussi à filmer un morceau de glace se détachant, mais je commence à connaître ses fissures et j’arrive presque à deviner où ça craquera la prochaine fois.
C’est à la fin de la journée, posée à la terrasse de mon hostel, que je me suis rendue compte que cela faisait longtemps que je n’avais pas pris plus d’une centaine de photos du même lieux. La dernière fois devait surement être le Machu Picchu.
El Chalten
Quelques semaines plus tard, je suis revenue dans le coin, pour me poser quelques jours à El Chalten. Après Ushuaïa et l’extrême sud, je retrouvais la steppe argentine et les lièvres de Patagonie, ceux là même qui pullulent et se jettent sous tes phares en pleine nuit (donnant à Claude Lanzmann le nom d’un de ses plus beaux romans). Je retrouvais cette lande battue par le vent, sur laquelle le peu d’arbres qui survivent ont courbé l’échine face à cette force de la nature.
C’est ici que j’ai découvert le Fitz Roy et sa chaîne de montagnes qui l’entourent. Ce petit village a été fondé en 1985 pour renforcer la souveraineté de l’Argentine dans la région, et faciliter l’accès à son sommet vedette. La route a été tracée, le goudron a ensuite été rajouté, un aéroport a été construit à El Calafate, et aujourd’hui le lieu est plein de Français, d’Italiens et d’Israéliens venus faire du trekking.
Le village est minuscule, mignon, avec quelques petites épiceries et boulangeries. L’ambiance est légère, on se croirait à dans une copie de Chamonix, la prise de tête en moins. C’est la capitale argentine du trekking et, contrairement au Torres del Paine chilien où tout est payant, ici on a juste à prendre son sac et ses baskets, et les sentiers démarrent directement dans le village. Loma del pliegue tumbado, Lago de las Torres, las Cascadas, il y en a pour tous les goûts et tous les rythmes: une, deux, cinq heures, ou plusieurs jours de marches. Pour des vues toutes plus belles que les autres sur les cimes environnantes. Il suffit juste d’aller faire un tour au Centre des Visiteurs, à l’entrée de la ville, pour vérifier la météo et l’accessibilité des circuits.
Et si le vent le permet, et si le Fitz Roy se débarrasse de ses nuages tenaces, on peut grimper jusqu’au Lago de los Tres, une de mes randonnées préférées de ce voyages, pour une vue incroyable sur ce sommet magnifique. Il culmine à 3 375m, et son nom, en tehuelche – langue du peuble natif, El Chalten, signifie sommet de feu, ou montagne enfumée. On ne se connaissait pas, et il m’a plu au premier regard. Majestueux au milieu de sa chaîne de montagne, il en impose. Bien qu’il ne ressemble en rien à notre Mont-Blanc, je ressens devant lui la même sensation que lorsque je monte au lac Blanc, un mélange de respect et de sérénité.
Tips numéro 22: prendre son temps a El Chalten et regarder les nuages aller et venir autour de la cime du Fitz Roy.