Mon escapade sénégalaise ne s’est pas cantonnée qu’à Dakar. On voulait sortir de la ville avec Guillaume, rouler un peu pour aller voir au-delà. Le temps m’étant compté, il ne fallait pas s’éloigner trop de la capitale. Une grosse heure de route pour un dépaysement total, ça valait le détour.
Lac Rose
Pas de brousse, pas de sable qui vole sur les cotés du véhicule, on est loin de l’Afrique profonde telle qu’on se l’est imaginée. Il faudrait revenir plus tard, et attendre aussi que ça se calme aux frontières du pays pour aller s’aventurer plus loin. Ici, c’est une longue route goudronnée qui nous emmène jusqu’au petit village du lac Rose, où d’autres chauffeurs attendent leurs clients partis faire un tour de pirogue.
Il n’y a que deux-trois paillottes, un étal de fruit et beaucoup de bricoles made in China. Sans aucun regard aux babioles et souvenirs estampillés « Sénégal », on se dirige vers les embarcadères, et les barques blanches. Il nous faut un guide, et un rameur, pour se balader sur l’eau du lac. Des gars y bossent, il ne s’agirait pas de gêner le business.
Lac rose? Le ciel est malheureusement trop voilé pour que l’on voit la vraie couleur du lac. Il faut se pencher au niveau de l’eau pour en deviner le rose. C’est le sel qui permet cette formation étrange, et unique au monde. La concentration de l’eau en eau salée est tellement forte que la corrosion abîme bateaux, et hommes. Les barques sont repeintes tous les ans. Les hommes sont autant rouillés, fatigués par ce travail éreintant, et blessés par ce sel qui les creuse. On passe à coté d’eux dans notre embarcation. Émergés à mi-torse, ils sont courbés, occupés à creuser et remonter le sel, qu’ils stockent dans leur bidons, portés en bandoulière. De loin on dirait des zombies sortant de l’eau. Ils viennent d’ailleurs, les Sénégalais ne voulant pas de cette tâche ingrate. Mali, Mauritanie, peu importe, s’ils sont trop faibles on les renverra chez eux et ils seront remplacés. En attendant, ils s’abîment dans ce lac à la couleur étrange, qui me pique la main lorsque je la plonge dans son eau.
A terre, on se balade entre les tas de sels qui sèchent au soleil. L’activité végète ici. Avant, le Paris-Dakar finissait sur ces dunes à coté. La situation de guerre dans le désert proche a changé la donne. Peu importe que la fin d’activités polluantes repose l’environnement, le manque à gagner est énorme. Alors on propose aux quelques touristes un tour de chameaux ou une rencontre avec les trois chèvres restantes. A l’ombre d’un cocotier, on prendra un jus de bouille – baobab avant de remonter en voiture, et un poulet yassa.
Les enfants de Niakul Rap
On était passé par ce village à l’aller, les couleurs nous avaient intrigué. Etait-ce l’envie de voir quelque chose de plus « typique » que Dakar? On demande en tout cas à notre chauffeur de faire un stop à Niakul Rap, traversé par la seule route entre Dakar et le Lac Rose. A peine le pied posé dehors, les premiers gamins viennent vers nous. Guillaume cherche à faire des photos des lieux, des étalages, de l’ambiance générale. C’est sans compter sur ces enfants qui commencent à agripper à nous un par un. Il faut dire que l’appareil photo intrigue, et même si nous ne parlons pas la même langue, le fait de faire des grimaces à l’objectif et de voir ensuite les photos sur l’écran les fait éclater de rire. Mohamed. Hakim. Sorraya. Aita. Aida. Lali. Une dizaine de visages. Autant de sourires différents, et de grimaces. Lali se recoiffe pour paraître plus belle sur l’écran. Hakim me bouscule pour être au milieu du petit groupe et bombe le torse.
Les mamans nous surveillent du coin de l’œil, mais refusent toute image. On essaye de communiquer avec les enfants, entre langage des signes et rires. La pause de cinq minutes s’éternise, il deviendrait presque impossible de partir.
Tant de rires, tant de contacts. Je reviendrai en Afrique.