Contre toute attente, je me suis à nouveau retrouvée à Dakar en février dernier, deux ans plus tard. A nouveau pour le travail. Coincée deux jours dans mon hôtel à enchaîner les réunions, j’ai réussi à garder quelques heures pour sortir me balader. Une fois encore, j’ai eu un tout petit aperçu du Sénégal, au goût de reviens-y.
Ma journée d’évasion s’est faite en compagnie de Guillaume, et de son œil aiguisé. Il était là pour photographier sa première rencontre avec l’Afrique, j’avais envie de me replonger dans le bordel ambiant sénégalais. On a sillonné les rues de la capitale et au-delà, dans un gros 4×4 climatisé. Le pied posé en Afrique, via un des pays les plus stables du moment, plutôt « facile » à appréhender pour les toubabs que nous sommes. Telle une invitation à poursuivre le voyage.
Vivre au rythme africain
Se réveiller avec les cris des mouettes. Faire quelques longueurs dans la piscine olympique. Boire son jus de bissap et manger sa salade d’ananas en guise de petit dèj. Commencer sa journée en douceur. S’inspirer des locaux, et laisser du temps au temps. On ne se donne pas d’horaires, ni de lieu de rendez-vous.
Cette nonchalance sénégalaise m’impressionne. Tant pis pour mes envies de poisson grillé avant d’attraper mon avion. Au diable le stress. « Almadoulilah« , si Dieu le veut. On le traduirait par « tout passe ». Tout. Oui, tout. Sans forcer. Cette philosophie de vie qui peut nous sembler à nous Européens, tellement abstraite. Asseyons nous à l’ombre et attendons les. L’heure continue de tourner, le moteur aussi. Et alors? Ce retard a t-il un réel impact? Sur ta journée peut-être, mais sur ta semaine non, sur ta vie encore moins. Alors assis toi, et respire. Tout passe.
Comme les Américains se saluent à coups de « whatsupp », la discussion est ici lancée par un « ça va, ça va » auquel on se doit de répondre par un « ça va bien ». Un manque de réponse équivaut à un manque de savoir-vivre, qui pourrait vexer notre interlocuteur. Attentions aux subtilités de la langue. »Nos phrases sont aromatisées » nous explique Richard, notre chauffeur. Les Sénégalais ponctuent leurs discussions d’expressions locales, remplaçant les fins de phrase par « c’est bon dé« , ou « quoi ». Ce quoi, à mille lieu de celui envoyé avec dédain par mes congénères, m’enchante ici. J’écoute et je souris. Ce rythme me plait, on dirait des mélodies. « Deugueuleu« , la vérité, fonctionne également pour finir ses phrases avec style. Encore suffit-il de savoir bien le placer.
Dakar, c’est Paris, m’avait-on dit il y a deux ans. Certes, mais les femmes y sont plus belles. Tous les Africains vous le diront, les plus belles du continent sont les sénégalaises. Difficile de décrire ce maintien du corps, élancés comme maintenus par des fils invisibles au-dessus d’elles. Majestueuses, elles assument leurs formes et les subliment en les enrobant dans mille couleurs vives. Rarement je ne m’étais autant retournée sur le passage de femmes.
Dakar
J’aime l’atmosphère de cette ville. Tout s’y mélange, cultures, époques et styles. L’Institut Pasteur, imposant bâtiment blanc des années 30, à deux pas de mon hôtel, rappelle le XIXème siècle et l’époque coloniale. Son aspect immaculé et épuré, à l’image du docteur Pasteur, contraste avec les marchés chao
tiques du centre-ville. Il suffit de pousser la porte de l’Institut pour se rendre compte que le lieu fonctionne finalement comme le reste de la ville. Débordant de vie.
En se baladant, on tombe sur les nombreux travaux de Wade, l’ancien président. Une autoroute neuve, coupant les quartiers périphériques en deux. Et ce monument de la Renaissance Africaine, immense statue surplombant la ville, représentant un homme élancé, sauvant femme et enfant, dans la pure tradition de la propagande soviétique. J’ai des doutes quant à l’effet qu’a cet Africain de bronze face à l’atmosphère ambiante de ce mois de Février 2017: les militaires sont postés partout dans la ville, installés sur de nombreux check-points, et les contrôles à l’aéroport sont de l’ordre d’une dizaine. On nous répète à longueur de journée que Dakar est le prochain lieu visé sur la liste après Paris, Bamako, Tunis, etc. Avant Bruxelles. Atmosphère étouffante, qui me rappelle malheureusement bien trop ma ville.
On circule dans notre 4×4, au milieu du trafic et de ces camions bariolés, débordant d’êtres humains et
de vie. A l’écart par nos vitres teintées, on ne fait que passer dans ce pays. L’échappée salvatrice est à N’gor. Pirogue pleine à craquer pour y aller, l’air de la mer nous fait du bien. Nos pieds d’hivers se posent dans le sable, étourdis par tant de chaleur. Les adolescents autour de nous plongent depuis les spots, avant de retourner plus tard dans l’effervescence de la ville. Les couleurs des bougainvilliers se mêlent aux odeurs de vacances. N’gor, la porte vers l’océan, porte de l’humanité.
Nos pas nous portent vers la Mosquée de la divinité. On ne rentrera pas dans le lieu de culte, vu l’heure et le fait que l’on n’appartienne pas à cette communauté. Le coucher de soleil nous fait nous y attarder, le temps de discuter avec Djibi le pélican, star des pêcheurs, qui n’en finit pas de se laisser photographier. Le temps file, mais sur la pirogue un père prend le temps de faire réciter leur leçon à ses deux fils. La lumière a baissé, contrairement à leur envie d’apprendre. Ce n’est pas ce soir qu’on discutera avec eux, il reste une dictée à finir.
On clôture le séjour par du poisson grillé à deux francs CFA dans une paillote à coté de l’aéroport. Le bruit des vagues se mêlent au grésil de la radio, tandis qu’on savoure ce poisson fondant, délicieux et tellement dépaysant, à quelques heures de s’engouffrer à nouveau dans un taxi, à Roissy, dans la froideur du mois de février, à 7 heures, un dimanche matin.
Merci Anna de nous partager ce carnet de voyage. Je rêve tellement d’aller visiter Dakar 🙂
Avec plaisir! Allez-y, au final c’est pas si loin que ça et tellement dépaysant 😉