J’avais filé au lac Titicaca, fuyant la frénésie de la Paz, pour quelques jours de repos avant de passer au Pérou. Puis j’y suis revenue trois semaines plus tard, avec mon père, du côté péruvien.
Le plus haut plan d’eau navigable du monde tient davantage d’une mer d’altitude que d’un lac. Immense, ce lieu superbe serait le lieu de naissance du soleil, selon une croyance inca.
Rien que le fait de revoir de l’eau m’a fait un bien fou. Ça faisait longtemps, je n’étais même pas allée saluer l’Océan à Buenos Aires.
Copacabana et Isla del Sol, côté bolivien
La route pour arriver à Copacabana est magnifique. En privilégiant l’après-midi, avec un départ de la Paz vers 15h, on peut même arriver lorsque le soleil se couche sur les rives du lac. On laisse les plaines de l’altiplano de côté pour traverser un bras du lac. Le bus est mis sur une barge, et nous on monte dans un petit bateau pendant cinq minutes. Bien qu’ils fassent ça des centaines de fois par jour, je n’ai aucune confiance en cette barge qui embarque toutes mes affaires. Mais comme d’habitude ici, ça passe. Il reste une petite heure de route. A partir de là, ça sent l’eucalyptus, et le bus longe les falaises escarpées dans les couleurs du soleil couchant. Si ce n’était les sommets enneigés toujours dans l’horizon, on se croirait dans les calanches de Piana, en pleine Méditerranée, ou en Grèce, comme dirait Marie, (une autre, encore, qui est venue ici trois semaines avant moi).
Ça sent la mer, il y a des mouettes partout. L’immensité du lac se devine dès que l’on arrive à Copacabana : impossible de voir la rive en face et le Pérou.
Au petit matin, en sortant de ma petite auberge où j’ai pu manger une soupe aussi saine que celles de ma mère, je prends un bateau pour l’Isla del Sol, l’île du Soleil. 1h30 de traversée, sur un bateau sur lequel même les locaux n’ont pas l’air rassurés. Il faut anticiper, il n’y en a que deux par jour, un à 8h30 et un autre à 13h30. 40 bolivianos l’aller-retour, un peu plus si comme moi on y passe la nuit. L’île n’est pas très grande, et calme. Malheureusement, à cause d’un différend que je n’ai pas vraiment compris, les îliens de la partie nord sont fâchés avec ceux de la partie sud, et l’accès au Nord est fermé aux touristes. On ne peut donc parcourir qu’un tiers de l’ile. Tant pis, je vais de mirador en mirador, admirant les cimes boliviennes dans le lointain. Je descends plusieurs centaines de mètres pour aller jusqu’à la plage où se baignent quelques enfants, pendant que leurs parents surveillent les moutons. Je remonte en croisant bergers et ânes, lamas et cholitas – ces Boliviennes en habits traditionnels aux couleurs vives, cheveux coiffés en deux tresses, un chapeau melon sur le crâne. J’ai l’impression d’être revenue plusieurs années en arrière, tellement la ville est calme. Je discute avec une grand-mère qui me demande de l’aide pour installer sa boutique. Je rencontre un Argentin qui me propose de partager son maté devant le coucher de soleil, perchés à 4 010m, sur le mirador le plus haut de l’île. Un petit chiot cherche à rester avec moi pour la journée, mais abandonne l’idée quand il se rend compte que je loge trop loin de sa maison. L’activité est telle qu’à 21h je suis couchée, après avoir mangé une truite du lac, cuisinée par la propriétaire de mon auberge.
Cette petite auberge nichée dans les hauteurs, fraîche la nuit – froide, diront certains qui y sont passés plus tard, où j’ai eu une chambre avec vue sur la mer, enfin le lac. Juste parfait, quand à 6h15 je n’ai eu qu’à pousser les rideaux et entrouvrir la fenêtre, pour voir le soleil sortir de derrière les sommets boliviens.
Puno et les îles Amantani et Taquile, côté péruvien
Après plusieurs semaines, et de nombreuses heures de bus, me voici de nouveau à Puno, ville que j’avais traversée au début de mon périple péruvien. Cette fois-ci on s’y arrête. Notre hôtel est un havre de paix dans la ville bruyante, quelques petites chambres dans une maison privée, et des hôtes aux petits soins. J’ai tant parlé du lac Titicaca à mon père, et du bien-être que j’avais ressenti à Isla del Sol, qu’on ne peut faire l’impasse sur la visite des îles. Par contre ici, contrairement aux rives boliviennes, c’est plus simple de prendre un tour organisé, pour visiter les îles flottantes et aller dormir sur Amantani.
C’est donc parti pour deux jours avec un guide qui nous explique toutes les caractéristiques du lac et de ses communautés qui y habitent. Apparemment Titicaca veut dire puma en Quechua. Si l’on regarde bien la carte, en plissant les yeux et en penchant la tête à droite, le lac a la forme de cet animal sacré.
Les îles flottantes d’Uros sont cachées au milieu de marécages, à quelques kilomètres à l’est de Puno. On y accède en bateau uniquement, en suivant un labyrinthe de chenaux. Les communautés vivant ici ont quitté les rives du lac il y a des centaines d’années, fuyant l’occupation Inca. Elles parlent aymara, une des trois langues officielles du Pérou, et vivent un peu en dehors du temps, en gardant un mode de vie traditionnel. Entre notre côté voyeuriste-touriste, et ces enfants au nez crotté qui plongent leurs mains dans une casserole pour jouer avec un oiseau mort qui attend d’être cuit et mangé, je me sens un peu mal à l’aise. On n’y reste heureusement pas longtemps, laissant les femmes et les enfants sur leurs îles de roseaux.
Il nous faudra trois heures pour rejoindre l’île d’Amantani. Le soleil tape fort à 4000m d’altitude, me rappelant les jolis coups de soleil que je m’étais chopé à Isla del Sol quelques semaines avant.
Il y a 5 000 habitants à Amantani, et dix communautés différentes. C’est l’île la plus habitée du lac. Les îliens vivent d’agriculture, et cultivent patates, quinoa et maïs. On est logé par la famille de Joana, qui nous fait à manger et nous installe dans une chambre à l’étage. Pendant les quelques heures que l’on passera avec eux, on découvre les différents aspects de leur vie rurale, en essayant de communiquer tant bien que mal en espagnol – ils parlent principalement quechua. Peu d’électricité, pas de douche, l’eau courante est disponible uniquement entre 6 et 7 heures du matin. Ils remplissent alors tous les bidons qu’ils peuvent, et attendent le jour suivant pour recommencer. On mange soupe de quinoa et plats de légumes, finissant chaque repas par une infusion de muña, une sorte de menthe locale qui facilite la digestion). Leur soir ils nous prêteront leurs habits traditionnels pour qu’on aille danser avec eux dans leur salle des fête (la photo de moi en habits folkloriques n’est disponible que sur demande par voie postale).
Le matin, on repart aux aurores vers notre dernière étape, l’île de Taquile. D’une superficie de 7 kilomètres et avec 2300 habitants, c’est une des plus petites du lac. Les paysages évoquent encore la Méditerranée, je récupère quelques graines d’eucalyptus en marchant. Comme les trois-quarts du Pérou, elle est enregistrée au Patrimoine mondial de l’Humanité. Sa caractéristique, mis à part les jolies portes de pierres qui jalonnent ses chemins, magnifiques fenêtres sur le lac, est qu’ici ce sont les hommes qui tricotent. Ils commencent à cinq ans, et continuent toute leur vie. Les vêtements traditionnels, qu’ils portent tous les jours, sont faits de très belles couleurs. La façon de mettre leur bonnet, ou leur sac, indique s’ils sont célibataires ou mariés, ou divorcés. Comme nous le répetera notre guide, ici c’est coopératif, et pas communiste, les îliens s’entraident tous entre eux, et proposent donc les même menus dans chaque restaurant, et les même prix.
Tips numéro 11: au Pérou et en Bolivie, on ne jette pas le PQ dans les WC, mais dans la poubelle à côté. Leur système de canalisations est tellement pourri qu’il n’y a pas le choix. Il faudra juste que je pense à perdre cette habitude en passant au Chili…
wo, c’est l’un des meilleurs et perspicant post que j’ai vu en voyage, merci somuch