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La Bolivie coloniale, Sucre et Potosi

La Bolivie coloniale, Sucre et Potosi

Apparemment l’altitude du Salar d’Uyuni ne m’a pas suffit. Une fois les quatre jours d’excursions finis, j’ai repris un bus jusqu’à Potosi, à 4 067m d’altitude. C’est juste la ville la plus haute du monde, si on met à part El Alto, banlieue de La Paz. Une ville construite à flanc de montagne, chargée d’histoire, comme sa voisine Sucre.

Potosi et ses mines

Il faut s’arrêter à Potosi lors d’une traversée de la Bolivie. Ne serait-ce que pour tenter de comprendre cette part de l’horreur de la colonisation espagnole.

Cette ville fondée en 1545 a joué un rôle très important pour l’empire espagnol. Au XVIème siècle, les mines de Potosi ont fourni la moitié de l’argent produit dans le monde, faisant la fortune des colons. Plus simplement, la richesse de la couronne d’Espagne s’est construite sur ces mines. On prétendait à l’époque qu’avec tout l’argent extrait du Cerro Rico – la montagne dans laquelle se trouvent toutes les mines, il était possible de construire un énorme pont reliant Potosi à Madrid. Pour extraire cette richesse et la transformer, plus de huit millions de personnes seraient mortes dans les mines depuis le début de leur exploitation. Indigènes et esclaves africains principalement.
Et aujourd’hui ? Quelques milliers de mineurs travaillent encore dans la montagne. Ils continuent parce qu’ils gagnent bien leur vie, bien qu’ils ne peuvent espérer vivre au-delà de quarante ans. A l’intérieur il n’y a plus d’argent depuis longtemps, mais il reste encore d’autres métaux, et les primes sont conséquentes quand ils trouvent de bons filons.
En tant que touriste, on peut visiter les mines et rencontrer des mineurs. C’est toute une organisation à l’intérieur, autour du Tio, le Dieu de la mine, et des feuilles de coca qu’ils mâchouillent à longueur de journée. Par contre, le côté voyeurisme de la chose, et le fait d’aller vérifier qu’ils travaillent en effet dans des conditions horribles ne m’ont pas vraiment attirée. Je me suis rabattue sur une visite guidée de la Casa de la Moneda – Maison de la Monnaie. En deux heures, la guide nous a expliqué comment Potosi est passé du statut de centre de l’économie mondiale au XVIème siècle, à plus rien ou presque aujourd’hui. Car la monnaie bolivienne, les bolivianos, est fabriquée en Europe depuis 1952.

Il reste donc à la ville ses 27 églises et son statut de ville classée au Patrimoine mondial de l’humanité, statut en péril à cause de l’urbanisation, et de l’affaissement du Cerro Ricco. J’ai eu le droit à une visite privée de la Cathédrale avant de partir, avec explications sur la rénovation de son orgue, le meilleur de tout le pays, et vue sur toute la ville, et ses collines, depuis l’intérieur du clocher. Puis, fatiguée par l’altitude, j’ai pris un bus pour aller 150 kilomètres plus loin, et faire comme les riches colons qui étaient partis s’installer plus bas, là où le climat est plus clément. A Sucre.

Sucre, capitale de Bolivie

Quel bonheur de descendre à 2800m d’altitude, et de mieux dormir la nuit! Ici, il y a de l’herbe et des arbres, on n’est plus dans les teintes marrons-jaunâtres-vert kaki des altiplanos andins. Sucre est une ville blanche, classée elle aussi au Patrimoine mondial de l’humanité. Les façades des bâtiments sont immaculées, dans une belle uniformité. Il y a toujours eu beaucoup d’argent ici, les riches colons qui y vivaient ont importé beaucoup d’œuvres d’art, et de nombreuses constructions sont inspirées d’Europe – notamment une petite Tour Eiffel, faite par Eiffel lui-même.

Dès mon arrivée, je m’y sens bien, j’apprécie beaucoup cette ville – qui tire son nom du général indépendantiste Sucre, héros de la bataille d’Ayacucho (qui a marqué un tournant dans la libération des colonies espagnoles – 25 Mai 1809, bien que les Boliviens aient ensuite été les derniers à se libérer, seize ans plus tard), et non du sucre qui ici, je le rappelle, se dit « azucar ». L’ambiance est agréable, entre modernité et tradition. La capitale judiciaire – et historique – du pays, était aussi l’équivalent du Vatican pour l’Amérique latine il y a plusieurs siècles. En plus de leur Cathédrale, dans laquelle est leur Vierge de Guadalupe – sertie de centaines de diamants, on trouve à nouveau des dizaines d’églises, apparemment reliées entre elles par des souterrains. Ce sont ces souterrains auraient permis aux Espagnols à s’échapper pendant les guerres de révolution…

A part l’histoire et les musées, il fait bon vivre à Sucre. La nourriture est très bonne, et pas chère. On peut manger une soupe de mani – cacahuètes – pour 5 bolivianos au marché, l’équivalent de 60 centimes d’euros. On peut aller acheter chirimoya, guineo, tumbo, platanos et autres fruits délicieux sur un des nombreux stands du marché, et dire « yapita, por favor » une fois servi, pour un peu de rab. Je me suis posée des heures dans des cafés pour boire à nouveau de vrais expresso sans sucre – le sucre est un fléau dans ce pays! J’ai acheté des tablettes de bon chocolat fabriqués ici, chez « Chocolates Para ti ». J’ai profité du soleil et je me suis reposée dans le patio et les hamacs de mon auberge, le Beehive. J’ai marché des heures sur les trottoirs minuscules du centre-ville. Je suis allée chercher des miradors et des églises cachées. J’ai fini mon livre. Puis j’ai bu des cerveza et des mojito avec des Anglais. Ça faisait longtemps.

Et la Bolivie contemporaine alors ?

En arrivant à Sucre, j’expliquais à ma prof d’espagnol qu’il me semblait que le président actuel, Evo Morales, avait fait plein de bonnes réformes pour son peuple. Il a rendu l’éducation obligatoire dès 4 ans et pour chaque enfant scolarisé, les familles reçoivent une bourse de 200 bolivianos, à la fin de chaque année. La place des femmes a été quelque peu renforcée, et les communautés indigènes ont été mises en valeur. Un drapeau multicolore représentant toutes les cultures de la Bolivie a été créé, le Huipala. Le pays ne s’appelle d’ailleurs plus Bolivie mais Etat plurinational de Bolivie. C’est ce qui a permis à Morales de se représenter une troisième fois, alors que la loi limite ici les présidents à deux mandats. Il a justifié cela en disant que le pays avait changé de nom, et comme il était seulement le président de la Bolivie, il pouvait se présenter à nouveau pour se faire élire à l’Etat plurinational de Bolivie. Joli.
Treize ans au pouvoir. Malheureusement, cela risque de recommencer en 2020, lors des prochaines élections, car il n’y a pas de vraie opposition. Et la propagande fonctionne très bien, car partout au bord des routes, on voit des inscriptions « Evo, si! ». Par contre, les jeunes Boliviens sont assez lucides et critiques, et ils n’ont pas de mal à parler de leur gouvernement, dans un cercle privé. Ils aiment beaucoup raconter les bêtises que raconte Morales. Une sorte de Trump avant l’heure. Morales mène campagne contre les États-Unis (qui peut l’en blâmer en ce moment?), contre le Chili – pour avoir un accès à la mer et récupéré un territoire perdu il y a deux cents ans, et contre l’Amazonie, où il veut construire une immense route pour acheminer la coke. Car oui, aujourd’hui la Bolivie est le premier importateur de cocaine au monde. Et, sans lien de cause à effet – quoi que – il se déplace en hélico dans la Paz et il s’est construit un palace à quarante millions de dollars en plein centre de la capitale. Président socialiste du peuple, oui oui. Le problème est qu’en 2020, cela pourrait résulter en une crise qui risque fort de ressembler à celle du Venezuela…

Tips numéro 5: toujours faire un Free Guided Tour quand on arrive en ville. Même si c’est payant. Comme me l’avait rappelé Djoudjou avant mon départ, ça reste un des meilleurs moyens pour en apprendre plus sur la ville et le pays, et rencontrer des gens intéressants. 

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