On vient en Bolivie pour faire de l’andinismo – alpinisme local – pour pas cher. Vraiment pas cher. Les sommets proches de la Paz, qui culminent à plus de 6 000m d’altitude, attirent beaucoup d’Européens. Le Nevado Illimani, le Chachacomani, l’Acotango, et surtout le Huayna Potosi – qui signifie « montagne jeune » en quechua. Moins de 150€ pour trois jours, dont un d’acclimatation et de formation pour évoluer avec piolets et crampons, et hop on arrive à 6 000m. Très peu pour moi, malgré toutes les recommandations que j’ai eues.
« Allez, le Mont-Blanc c’est rien à côté, franchement vas-y, c’est donné à tout le monde ! ». Oui, sauf à mon vertige, qui m’a souvent bloquée sur parois ou passages à vides dans mes Alpes. Aucune envie de tenter cela, aussi fou que cela puisse être à faire dans une vie. Surtout seule, sans personne avec qui partager cette aventure, et ma peur. Je préfère grandement les randonnées, ou treks de plusieurs jours.
Sachant que la plupart des treks partent de la capitale, j’ai envoyé à un contact local de Florie un message Whatsapp – tout passe par Whatsapp ici, c’est moins cher que les textos – lui demandant des conseils sur les randonnées autour de la Paz. Coup de chance, Jeanie avait prévu d’aller faire le Takesi avec des potes pendant le weekend. C’est le second trek le plus beau et le plus fréquenté du coin, après el Choro. J’ai donc quitté la petite ville de Sucre, où je me sentais bien, et je me suis joins à Jeanie et six autres Boliviens pour deux jours de randonnée à travers les montagnes boliviennes.
Côté pratique, le sac de couchage prêté par mon auberge prenait les trois-quarts de mon sac. Avec la bouffe pour deux jours, les affaires de pluie et le sous-pull thermique, j’ai dû prendre mon bagpack au lieu de mon petit sac à dos, en croisant les doigts pour ne pas l’abîmer – c’est juste ma maison en ce moment.
Côté logistique, tous les minibus pour le départ du trek partent tôt le matin, de la rue/calle Lara, en plein cœur de la Paz. Bien qu’on s’était donné rendez-vous à 6h, on n’est pas partis avant 8h, pour un départ du trek à 9h30, juste après le village de Villanza. Je ne reviendrais pas sur la ponctualité des Boliviens, qui préfèrent traîner le matin au lieu de commencer à marcher tôt, car oui, le deuxième jour ça a à nouveau été la même chose et bien que levés avant 7h on n’a pas été sur le chemin avant 9h15…
El Prehispanico Camino Takesi commence donc juste après Villanza, dans l’altiplano, à une bonne heure de route de la capitale. Les prairies sont sèches, et les montagnes qui nous entourent ont encore de la neige sur leurs cimes. On commence directement à grimper. 1 000 mètres de dénivelé positif, pour atteindre le point le plus haut du trek, 4 570m, au bout d’une heure et demi. Le temps de prendre une photo, les nuages nous entourent déjà. Le temps change vite en montagne, qu’on soit dans les Alpes ou dans les Andes. Vent. Pluie. Et grêle.
On ne voit pas à deux mètres devant nous dans la descente. Les pierres du chemin Inca sur lequel nous évoluons sont trempées. Malgré ma prudence, je glisse plusieurs fois. Je tente tant bien que mal de me rattraper avec ma main droite, qui prend un sacré choc. Le bleu sur ma paume – que j’ai au début pris pour une fracture – durera plusieurs jours. Crevés, on pique-nique sous la pluie, avant de continuer pendant encore plusieurs heures.
Le paysage change, au fur et à mesure de la descente nous rentrons peu à peu dans la jungle. Nous sommes entourés d’eucalyptus. La faune a complètement évolué, et les chants d’oiseaux qui nous accompagnent ne ressemblent à rien de connu. Les montagnes reverdissent, le sentier serpente entre cactus et plantes grasses, vertes. Nous croisons quelques vaches égarées, et beaucoup de lamas. Au fond de la vallée coule une rivière, que nous n’entendons bientôt plus tellement nous sommes prêts des sommets. Je dois par moments me faire violence pour détacher mes yeux de ce paysage incroyable, en constante évolution.
Enfin, au moment où le soleil se couche sur la chaîne de montagne au-dessus de nous, nous arrivons au lieu du camping où nous avions prévu de passer la nuit. Un petit coin de verdure, devant le refuge de Don Primo. Eau et toilettes pour la nuit, le grand luxe. Les tentes louées étant un peu limite – on peut en trouver au BaseCamp à La Paz, mais j’avoue que j’ai complètement délégué cette tâche – la propriétaire du refuge nous a filé de bonnes couvertures, et la nuit, bien que humide, n’a pas été aussi froide que cela.
Rien ne vaut le thé aux feuilles de coca au petit matin devant les montagnes et la jungle. Surtout quand on sait qu’après, il y en a encore pour cinq heures de marche avant d’arriver à destination. Nous continuons notre chemin, et croisons des locaux, habitant à plus de deux heures de toute civilisation, puis des mineurs, devant une mine qui semble presque abandonnée – on est dimanche – avant de traverser un pont suspendu, qui me donne encore des sueurs froides rien que d’y penser.
Enfin, en début d’après-midi, nous rejoignons Yanacachi, notre destination finale. Il s’est remis à pleuvoir. Il nous faut encore prendre un collectivo – minibus local – pendant trois heures, pour remonter jusqu’à la Paz (nous sommes descendus bien bas dans la jungle, sous les 2 000m d’altitude). Le chauffeur roule n’importe comment, doublant sans visibilité les camions dans le brouillard, alors que nous longeons le précipice.
J’arrive néanmoins vivante en ville, ravie de ce trek aux paysages incroyables, mais crevée et avec de bonnes courbatures pour les deux jours suivants.
Deux jours, 35 km, et une bonne quinzaine d’heures de marche. A quand le prochain?
Tips numéro 6: ça ne sert à rien de prendre des packs de jus de pomme et des lunchbox de poulet-riz avec soi en rando de deux jours. En effet, cela prend beaucoup de place dans le sac à dos inutilement. Je crois que les Boliviens l’ont bien compris, et qu’ils feront attention à ce qu’ils embarquent comme nourriture la prochaine fois!