Carnet de voyages en Nouvelle-Zélande, Europe et Amérique du Sud
Transports en Asie

Transports en Asie

En revenant en Asie j’ai retrouvé l’odeur du continent – cette odeur moite, mélange d’humidité et de sueur, qui imprègne moquettes (ah, l’aéroport de Singapour!) et nos propres fringues, malgré les lessives successives – et la joie des transports en Asie du Sud-Est, chaotiques et interminables.

Transports en Asie

On nous avait prévenu: vouloir descendre le Laos et le Cambodge en trois semaines, c’est très ambitieux. Ttransport_en_asierop court pour tout voir. Il n’y a pas de trains, pas assez de connections aériennes, un bus met cinq heures pour parcourir 100 kilomètres. On savait qu’on allait galérer en transport et passer autant de temps dans les bus qu’à visiter. Qu’à cela ne tienne. On s’est fait au total plus de quarante heures de bus.

Quand on rentre de voyage, on raconte ce qu’on a visité et vu, mais on fait souvent l’impasse sur le trajet, comment le point B a été rejoint depuis le point A, via le point Z. Dix heures de bus sont une aventure en soi, surtout en Asie du Sud-Est. Il faut juste garder en tête quelques principes:
– Ne pas tenir compte des horaires, elles ne seront pas respectées. L’heure d’arrivée est uniquement une indication.
– Savoir être patient, et ne pas oublier que l’on va sûrement attendre des heures en plein cagnard à cause d’un souci mécanique – sans que personne n’ait vélopris la peine de nous expliquer ce qu’il se passe – ou juste parce qu’entre nos deux bus à Paksé, notre billet s’est perdu entre les mains d’un intermédiaire.
– Ne jamais perdre de vue son ticket, ni son chauffeur.
– Ne pas oublier d’être patient. Même quand il n’y a plus de place dans le minibus et que l’on va devoir s’asseoir sur un bout de siège, sans dossier, coincée entre un vieil Italien et une grosse Autrichienne. Pendant cinq heures. De toutes façons c’est soit ça, soit ils nous laissent en bord de route.
A chaque minivan rempli à ras bord, compressée entre les sacs et nos voisins de galère, on se dit qu’on ne nous y reprendra plus. Puis le surlendemain on remonter dans un autre, pour Kampot. Tout simplement parce que l’on n’a pas le choix.

Le jeu en vaut la chandelle. Même Laura vous le dira – sauf si on lui demande à nouveau de rejoindre Siem Reap en bus. On traverse le pays. On emprunte une piste de l’extrême entre Luang Prabang et Vang Vieng, en pleine montagne, avec le vide d’un côté et la piste cabossée de l’autre. On retient son souffle, on serre le ventre. Le chauffeur zigzague entre les nids de poules. Lancé à toute balle sur une route aléatoire, il ne freine qu’en cas d’extrême urgence. Comme pour ne pas écraser un serpent de deux mètres. Pour éviter les vaches, il klaxonne. J’ai l’impression d’être dans des montagnes russes, mon ventre joue au yoyo, mes genoux se cognent aux extrémités de mon espace restreint. Je garde mes yeux sur le pays qui défile. Les paysages sont magnifiques. On traverse des villages, on observe la vie, la sortie des écoles, la partie de foot en uniforme, et les gamins qui nous hèlent à coup de « sabaideeeee » depuis leurs vélos trop grands pour eux. La nature laotienne est luxuriante, débordante de frangipaniers, bananiers, palmiers, et autres bougainvilliers aux couleurs vives. Du vert, du vert, du vert. Partout. Dans toutes ses teintes. Et au milieu des chapeaux coniques, en paille, courbés par le poids des paniers en osier.

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Sleeping bus

Une partie du trajet à été faite en sleeping bus. Entre Vang Vieng et les 4 000 îles. Cela nous permet d’économiser une nuit d’auberge, et d’arriver tôt sur place. Testé au Vietnam il y a cinq ans, et je n’avais pas vraiment été conquise. Cette fois-ci, on n’avait pas vraiment le choix. Et Laura voulait tenter. sleeping bus
Quelques heures jusqu’à Vientiane pour nous mettre en jambes. On récupère les places 26-27 au guichet. Celles du fond, que l’on partage avec trois autres personnes. Avec qui va t-on se retrouver? Par chance, pas de mec avec nous, mais trois Australiennes également en vacances. Le bus se met en branle, et c’est parti pour dix heures de transport allongé. On discute, on ferme les rideaux, on éteins les loupiotes à 21h. Et on est réveillé à 6h30 par les locaux qui rentrent dans le bus en hurlant « Paksé, Paksé« . On est bien arrivé à destination. Il ne nous reste plus que trois heures de minivan, et une demi-heure de pirogue.

La nuit de l’angoisse. Réveils fréquents, dos et genoux recroquevillés, j’ai l’impression de m’être pris tous les nids de poule du Laos dans le dos. J’ai mal partout lorsque je sors du bus, les yeux encore tous collés par le peu d’heures de sommeil. Plus jamais ça se jure t-on l’une à l’autre, et à peine arrivées on réserve un avion pour un de nos futurs trajets, saoulées par ce temps « perdu ». En ayant déjà oublié le lever de soleil incroyable sur les plaines.

Aller d’un point A à un point B

Descendre de Luang Prabang à Phnom Penh en trois semaines, en passant par les îles du Sud, c’était en effet très ambitieux. Mon envie première était de descendre le Mékong, ce grand fleuve marron. tuktukMais entre l’envie et le réel, il y a plus de 1 500 kilomètres. On avait beau être déjà venues en Asie du Sud-Est, on n’a pris conscience de l’importance des transports dans notre voyage qu’à notre arrivée au Laos. Comment rejoindre le Cambodge dans les temps fixés et se garder quatre jours au soleil? Beaucoup de temps passé aux guichets des compagnies de bus, à calculer temps de trajet et temps sur place. Beaucoup de temps passé sur les smartphones et le wifi, à chercher le meilleur trajet.

Tuktuk, vélo, minivan, bus local, sleeping bus, slow boat, bateau, kayak, avion, scooter. La liste des moyens de transport empruntés n’est qu’exhaustive. Mention spéciale à Harry et Aude qui nous ont permis de rouler en scooter cheveux au vent dans les rues de Phnom Penh, ainsi qu’à notre chauffeur de tuktuk à Kampot qui nous a promené au milieu des rizières, en évitant les nids de poule autant que possible – on n’a jamais autant reçu de sourires et de « hello » enjoués de la part de gamins que lors de cette balade.

En revenant en Asie, j’ai retrouvé ces temps d’attente que j’apprécie tant, propices aux rencontres et à la réflexion. C’est dans ces moments entre deux bus que l’on rencontre des gens et que l’on prend le temps de parler. C’est dans ces moments là que j’écris. J’ai filé mes Courrier international du mois d’octobre à Matthieu, rencontré à la frontière des deux pays, j’ai planifié mon prochain voyage avec une québécoise dont je ne connais pas le nom. On a partagé notre salade de fruit et notre gueule de bois avec Jasper, en guettant l’arrivée de notre bateau. Ces « one-time friends » que l’on ne reverra surement jamais. Ce temps qu’on prend enfin, posées dans un coin de bouiboui. Ce temps que l’on n’a pas, à Paris. L’Asie c’est ça aussi. Prendre le temps, et ne plus tenter de le maîtriser. J’exagère peut-être un peu, je n’ai eu que dix-neuf jours de voyage cette fois-ci, pas un de plus.
Et pourtant. J’ai laissé mon esprit divaguer alors que les contours du pays défilaient devant mes yeux. C’est ça aussi, voyager. Et dans le bus entre Kampot et Phnom Penh, le dernier du voyage, j’en viens à envier ces voyageurs au long cours, me demandant quand sera mon prochain voyage…

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