Le thème du weekend était « débarquement ». J’ai donc pris mon historien préféré, on a loué une voiture et on est parti de Paris au petit matin direction la Normandie et de ses plages, profitant d’un de ces longs weekends dont seul le mois de Mai a le secret.
Un peu d’histoire
Une visite des plages du débarquement se doit de commencer avec le Mémorial de Caen. A l’écart de la ville, le bâtiment est imposant et entouré de drapeaux de pays belligérants – dont l’Allemand, et le Néo-Zélandais. La première chose que l’on voit en arrivant est cette gigantesque statue du soldat américain embrassant une nurse (photographie aujourd’hui sujette à controverse, mais ceci est une autre histoire). L’essentiel est à l’intérieur.
Immersion totale dans les couloirs du sous-sol, révision des cours d’histoire de terminale.
1918, traité de Versailles, la Crise de 1929 et les images de la misère aux US, montée des nationalismes en Europe au début des années trente, des coupures d’article montrant la joie d’avoir évité la guerre au retour de Munich en 1938… on rentre peu à peu dans l’horreur, dans cette Histoire, la notre, que l’on connaît par cœur. Il y a cette salle, sombre, depuis laquelle nous parvient la voix d’Hitler, avec une clameur en fond. Comme si on était à un rassemblement, à Nuremberg. Glaçant. Nécessaire rappel.
Tout est traité dans ce labyrinthe, de la déportation des Tziganes à la vie pendant la Guerre, des exactions des Japonais en Chine aux cartes de rationnement françaises. Au bout de deux heures de lecture et d’errance, on retrouve enfin la lumière du jour, hagards.
Le D-Day, le débarquement en Normandie, est traité dans deux plus petites salles. Quelques plans et explications accompagnent armes et uniformes anglais. Omaha, Juno, Utah et autres plages que je situe enfin sur une carte. La stratégie est détaillée, tout comme le bombardement subit par Caen.
On passe d’un film de restitution à un bunker où se situait le quartier général allemand. Et dans ce bunker, au milieu des mitrailleuses et autres armes automatiques, des petits garçons jouent à la guerre. Encore?
Comme le thème du weekend était le débarquement, Sylvain nous a acheté des criquets. Cette petite pince qui fait un bruit métallique lorsqu’on la presse permettait aux parachutistes Canadiens de se reconnaître entre eux dans les bocages normands. Après quelques heures cependant, ce bruit peut très vite devenir énervant, et on a juste envie de se débarrasser de son partenaire de roadtrip.
Les plages du Débarquement
On débarque à Arromanches dans la brume anglaise. Du plus grand port de l’été 1944 il ne reste
aujourd’hui que quelques vestiges sur le sable et une dizaine de caissons immergés au large. Cette minuscule bourgade n’a pas eu de débarquement à proprement parler, mais un gigantesque port artificiel y a été déployé, le premier Mulberry Harbour, génie de l’intelligence militaire. Le petit musée de la ville m’a permis de comprendre le fonctionnement de ce port, et pourquoi cette technique était révolutionnaire (navires coulés au large pour faire office de brise lames, caissons Phoenix immergés et de nombreuses plateformes reliées sur 750 m pour pouvoir effectuer le débarquement des hommes, véhicules et vivres).
Les vestiges laissés de côté, on continue vers les plages. Juno, Gold, Omaha.
En ce dimanche midi la marée est basse, et on a devant nous du sable à perte de vue. Très difficile, une fois que l’on est pieds nus dans le sable, loin des monuments cachés dans les dunes, d’imaginer.
Ils ont débarqué au petit matin, dans l’eau froide, sur des plages couvertes de mines et d’obstacles, sous le feu des canons et des mitraillettes. Aujourd’hui, les familles viennent y pique-niquer et jouer au volley.
A Omaha, où les pertes des Alliés ont été les plus élevées, les ruines des bunkers au dessus de la plage permettent de se faire une idée du nombre d’Allemands défendant le territoire. Bloody Omaha.
On se rend ensuite au cimetière Américain de Colleville-sur-mer, à quelques mètres d’Omaha. Croix blanches sur pelouse verte, sur des centaines d’hectares. Sous nos pieds reposent les corps de milliers de soldats, qui n’avaient pour la plupart jamais quitté les Etats-Unis, débarqués pour sauver la France du nazisme, des chewing-gums dans les poches. A peine vingt ans pour la plupart. On ne parle plus, presque gênés de prendre des photos. Tout comme à La Cambe le jour suivant, cimetière allemand, croix noires germaniques sur fond vert, les émotions sont dans ces lieux bien plus fortes qu’ailleurs.
Cette côte Normande est remplie d’histoire, de canons. On trouve une batterie à Longue-sur-mer, à Azeville. La Pointe du Hoc, couverte de trous d’obus, rappelle la violence des combats pour récupérer des canons – qui n’étaient plus là. A Sainte Mère l’Eglise, première commune libérée de France, il y a encore un parachutiste accroché au clocher.
J’avoue qu’à la fin j’étais fatiguée de ne voir que des tanks et des monuments. Chaque entrée sur le littoral est marquée par le souvenir. Nécessaire. Mais pesant. Un peu comme à Berlin parfois.
Heureusement que la Normandie ce n’est pas que ça, c’est aussi les bocages, le coté bucolique de ces minuscules routes de campagne que l’on arpente. Mais aussi la gastronomie, les huîtres dégustées en bord de plage, les fraises de saison, et le camembert qu’on oublie dans la voiture pour le plaisir de l’odeur. Puis le camping, en tongs, qui annonce les vacances.